Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
7 janvier 2013 1 07 /01 /janvier /2013 15:57

IMG 3073La Laïcité dans un pays à majorité de population musulmane :

l'expérience turque

par Metin Ansen 

Nous remarquons que presque la totalité des pays de Maghreb ont été dirigés par un pouvoir autoritaire dont les tenants s’en passaient des élections libres et voulaient instituer une démocratie forcée, soumise à leurs ordres. L’histoire nous montre que chaque fois qu’un pays est dirigé par un pouvoir autoritaire, imposant ses vues et ses conceptions aussi bien sur le plan de la laïcité que sur la pratique de la démocratie, les aspirations du peuple sont souvent bafouées et celui-ci préfère rester silencieux pour un temps plus ou moins long, de peur d’attirer sur lui la colère de la classe dirigeante qui adopte une politique intransigeante. Cependant, il arrive un moment où nous assistons à l’explosion, au renversement de la situation, la plupart du temps sous forme de révolution ou coup d’état, mais aussi à la suite d’une passation de pouvoir d’un régime autoritaire à un régime démocratique multipartiste, dans lequel le peuple devenu souverain et ses attentes suivent un processus de libération. Dans une société restée pieuse et fondamentalement croyante, malgré la volonté autoritaire de ses dirigeants antérieurs qui voudraient lui imposer par force et dissuasion leurs vues et garder en leurs mains la destinée de leur pays, on voit aussitôt surgir un gouvernement qui prône les valeurs de l’Islam, religion dominante dans cette partie du sud et orientale de la Méditerranée.

Le premier exemple concerne très concrètement les pays du Maghreb tels que la Libye, la Tunisie, l’Egypte, dans une moindre mesure l’Algérie, et bientôt la Syrie si Bachir El Esad est renversé. Le deuxième exemple concerne la Turquie.

De nos jours, le débat sur la laïcité devient une importante question d’actualité dans les sociétés occidentales, suite à la présence de plus en plus effective et aux volontés de s’imposer de plus en plus vigoureuses des minorités se réclamant de l’Islam face aux valeurs et traditions des sociétés occidentales dans lesquelles ces minorités vivent et évoluent. Qu’elle soit due à l’immigration pour des raisons économiques (les Turcs en Allemagne et en Belgique), ou pour des raisons politiques (les Maghrébins en France, les Indonésiens en Hollande, les Sikhs et les Pakistanais en Angleterre), cette présence de confessions autres que la ou les confessions dominantes a fait surgir ce débat dans l’actualité quotidienne. La question de la laïcité avait pourtant été résolue dans la plupart de ces sociétés occidentales et ne donnait lieu à aucune revendication de nature à perturber la paix sociale. La présence de nouvelles minorités confessionnelles dans ces sociétés occidentales, particulièrement musulmanes, et leurs revendications pour faire valoir leur identité spécifique, notamment lors des trois dernières décennies, a changé la donne.

La laïcité militante à la française, basée sur la Loi de Séparation de 1905 entre l’Eglise et l’Etat, est une laïcité de combat contre le clergé. La laïcité française, basée sur la séparation du pouvoir spirituel et du pouvoir temporel, est la conclusion d’une suite d’événements qui ont vu le jour à partir de la Révolution Française de 1789, et qui a transformé la société française depuis le bas jusqu’en haut. A ce titre, nous pouvons affirmer que la laïcité en vigueur en France est la finalité normale d’une évolution dans le temps et dans l’espace. Dans cette lutte ancestrale et permanente, l’autorité politique a fini par se faire l’interprète et l’exécuteur de la volonté populaire.

Cette forme de laïcité est tout le contraire d’une laïcité ayant vu le jour à la suite d’une révolution qui est imposée par l’autorité publique. Cette imposition venant du haut, cette laïcitéIMG 3093 autoritaire dans un milieu musulman se trouvera toujours en opposition avec la volonté de la masse populaire.

Ceci est la forme de laïcité que nous connaissons en Turquie.

A ce titre, il serait intéressant de citer une définition de la laïcité telle qu’elle a été formulée par le Tribunal Constitutionnel Turc, suite à un jugement concernant l’admission ou le refus des étudiantes portant le foulard dans les universités. Le jugement en question définit ainsi la laïcité : La laïcité est un mode de vie qui se propose de démolir le dogmatisme du Moyen Age, et de le remplacer par l’éclairage des connaissances, par le concept de liberté et de démocratie qui prend sa source dans la lumière de la science positive, concept dans lequel l’indépendance, la souveraineté nationale et l’idéale humaniste, fondement d’une conception de pays civilisé et vivant avec les exigences de son temps, constituent l’essentiel.

Cette définition met l’accent sur les valeurs de la Turquie moderne, face à la remontée de l’islamisme. C‘est également une définition qui défend les valeurs républicaines turques. Sans considération d’aucune référence religieuse, c’est une définition qui remplit une des missions de la laïcité, celle de freiner les forces intégristes qui vont toujours à contresens du progrès.

Une autre ébauche de définition de la laïcité est une interprétation autoritaire. La laïcité est définie comme étant une conception militante qui cantonne la religion et tout ce qui est religieux dans son espace propre à la religion. C’est la définition de la laïcité dans un état qui veut contrôler la religion.

Une autre conception de la laïcité met plus en valeur l’existence pacifique sans exclusive de toutes les religions dans un milieu donné, de façon à ce que toutes les croyances puissent exister et s’exprimer librement, sans la prédominance ou la primauté d’une quelconque religion.

Ceci est une considération de la laïcité qui conviendrait à la laïcité à l’anglaise, mais pas à la laïcité à l’allemande ni à l’italienne où l’Etat refuse d’enlever le crucifix dans les établissements scolaires publiques.

Une autre définition de la laïcité, que je dirais plus universaliste, impose l’existence d’un état « neutre et arbitre » face à la présence d’une diversité de religions et de croyances sur son territoire, tout en dotant l’Etat des moyens adéquats pour pouvoir accomplir son devoir de neutralité face à cette pluralité de croyances. L’Etat doit en même temps se charger d’une mission de protecteur des droits religieux de toutes les entités, aussi bien que chacun de ses citoyens.

Tout au long de son histoire, l’Islam a connu quelques velléités de réformes, mais toutes ces intentions ont fondu sous l’influence importante de l’aile arabisante de la religion qui refusait toute modification des paroles de Dieu qui avaient été exprimées en arabe.

Dans cette perspective, nous pouvons avancer que la laïcité, qui exige une séparation du pouvoir spirituel et du pouvoir temporel, et l’Islam, qui veut s’approprier de tout pouvoir et qui veut affirmer son existence par tous les moyens, ainsi que son autorité dans chaque domaine public ou  privé, sont incompatibles.

Cependant, il serait juste d’énoncer qu’aucune religion ne défend, ni n’est partisane de la laïcité. Ce que nous constatons en revanche, c’est que les autres religions représentées dans les sociétés occidentales sont arrivées à accepter une sorte d’entente plus ou moins significative avec l’autorité publique, de façon à permettre l’existence d’une paix sociale, alors que l’Islam refuse systématiquement la laïcité. De cette affirmation ressort une conclusion à double tranchant : l’Islam refuse la laïcité, et que ceux qui veulent qu’il soit à même d’accepter ou d’adopter une sorte de libéralisme laïque sont les milieux occidentaux , en particulier français, qui forment le dessein d’aligner l’Islam sur les traditions en vigueur chez eux, et « qui se proposent de positionner l’Islam par rapport à la grille d’analyse que l’on a tracé pour eux, sans s’interroger sur le sens de leurs pratiques et de leurs choix identitaires. (Olivier Roy, La Laïcité face à l’Islam, Editions Stock) (Exemple : Conseil Français de Culte Musulman)

Il s’ensuit que si l’islam s’aligne sur la laïcité, cela ne peut se faire que par une démarche politique et non par une réforme théologique. Il y a en Occident autant d’Islams que de minorités se réclamant de l’Islam. Les musulmans Turcs refusent de se mettre sous la dépendance des musulmans Maghrébins. Ils ont même leurs mosquées qui leur sont propres. Face à l’hétérogénéité de l’Islam, chaque communauté a ses propres valeurs et aucune d’elles ne désire être représentée sous l’autorité d’une autre.

La Turquie est un cas intéressant et typique de l’application de la laïcité dans un pays dont la population est majoritairement musulmane. Un cas intéressant, car c’est le seul exemple de laïcité au monde existant dans un pays musulman à régime parlementaire. La laïcité prend place dans le préambule de sa Constitution. Toutes les autres velléités de laïcité existant ou ayant existé dans les pays musulmans ne survivent ou n’ont survécu que dans les régimes dictatoriaux.

La Laïcité en Turquie est entrée en vigueur avec sa mention en tant que telle dans le Préambule de sa Constitution datant de 1924 : La Turquie est un état de droit, démocratique, laïque et social.

Il est intéressant de se pencher sur le livre d’histoire officiel, édité par l’Etat en 1924 pour l’enseignement de l’Histoire dans les écoles. On y lit : « L’univers et les créatures qui peuplent la terre ne sont pas le résultat d’une volonté créatrice surnaturelle, mais le résultat des lois naturelles qui régissent l’univers. Ce n’est pas Dieu qui a créé les hommes, mais l’homme qui a créé Dieu. Dans l’Egypte Antique et chez les Hébreux, lors du passage d’une société clanique et d’une autorité plurielle à un mode de vie ne reconnaissant qu’une seule autorité, le concept pluridimensionnel de l’idée de Dieu a été réduit en un concept unidimensionnel. Par conséquent, inciter les peuples incultes et naïfs à croire en l’existence de nombreux dieux, ainsi que réduire ces nombreux dieux en un seul dieu est le résultat d’un acte politique. »

Je vous rappelle que ce texte date de 1924, et qu’il s’intègre au contexte d’un pays qui, à l’époque, était fortement imprégné de l’islam pieux. Il fallait un sacré courage et une autorité importante pour éditer le passage en question dans un manuel scolaire de cette époque.

Et voilà le dilemme de la laïcité en Turquie : Courage et autorité.

La laïcité ainsi imposée par en haut était une laïcité qui visait surtout l’affaiblissement de la croyance et de la pratique religieuse, tout en voulant mettre sous contrôle le clergé.

La pratique d’une telle démarche ne pouvait être acceptée par toute la masse populaire, dont une grande majorité était croyante, rurale et inculte. Par conséquent, cette démarche n’était défendue et soutenue que par l’armée au service de l’Etat par définition, ainsi que par la bureaucratie étatique et les élites intellectuelles de la société qui utilisaient un langage rationaliste.

Après la mort d’Atatürk, fondateur de la Turquie moderne, la restauration d’un régime démocratique multipartiste à partir de l’an 1950 a signifié la fin de la laïcité militante.

La première activité du nouveau pouvoir issu des élections libres en 1950, a été d’autoriser les appels à la prière en arabe, à la place des appels en turcs pratiqués jusque là. L’ironie du sort, le parti fondé par Atatürk, farouche défenseur de la laïcité militante et des appels à la prière en turc, voyant sa base le quitter pour le nouveau gouvernement issu des élections libres, s’est vu obligé de voter en faveur de cette mesure. Plus tard, le pouvoir en place a recouru à l’instauration des écoles confessionnelles, très fortement subventionnées par l’Etat. Les diplômés de ces écoles confessionnelles ont peu à peu commencé à occuper des postes de responsabilité dans la bureaucratie de l’Etat. Nous avons ainsi été témoins du passage d’une bureaucratie qui défendait la laïcité à une bureaucratie qui défend des idées religieuses. Et un beau jour, nous avons assisté en Turquie de nos jours à l’élection au poste de premier ministre d’un diplômé de l’une de ces écoles religieuses, un personnage intelligent et charismatique malgré tout, qui sert aussi de référence aux mouvements de libération des pays du Maghreb du joug de leurs dictateurs.

Le pouvoir politique issu des élections démocratiques de l’époque en Turquie justifiait l’enseignement religieux dans les écoles et la mise en place des écoles coraniques par l’explication qui affirmait que la grande masse de la population restait croyante et pratiquante. Dans ce contexte, et dans l’absence d’une éducation religieuse officielle, l’Etat laïque défendait le point de vue que  d’autres autorités non officielles prendraient le relais pour enseigner n’importe quoi.

L’intention n’était peut-être pas blâmable en soi, mais avec le temps nous avons assisté à un changement de place. La croyance et la pratique religieuse qui occupaient la sphère privée ont fini par quitter cette sphère pour prendre place dans la sphère publique, avec un discours politique, sans empêcher pour autant les autorités non officielles de prendre le relais de l’enseignement de la religion prôné par le pouvoir publique.

Cette situation est celle qui se met en place actuellement en Egypte.

Le pouvoir issu des élections libres en 1950 a privilégié l’industrialisation du pays avec un concept  d’économie libérale, à la place du système dirigiste en vigueur au temps des fondateurs de la République. Nous avons ainsi assisté à l’immigration d’une couche quantitativement très importante de la société rurale, croyante et pratiquante. Ces nouvelles populations d’immigrés dans les grands centres urbains ont été le foyer de la propagation des idées religieuses dans leur nouvel environnement. Elles ont également attiré la sympathie des partis politiques qui les ont considérées comme un creuset de bulletins de vote et les politiciens de tous les partis ont systématiquement modifié leurs discours politiques pour leur être agréables, souvent aux dépens de la laïcité. Alors que l’utilisation de la religion était interdite dans la propagande et le discours politiques avant l’avènement de la démocratie multipartiste, les politiciens ont réussi à outrepasser cette interdiction pour en parler abondamment. Les populations d’immigrés ont été par ailleurs manipulées et modelées par les milieux religieux souvent intégristes qui y ont trouvé un terrain vierge pour gagner les adeptes à leurs idéologies. Les capitaux iraniens et saoudiens qui ont fait leur entrée pour faciliter cette nouvelle formation religieuse leur ont été d’un secours important. La laïcité en a pâti.

La deuxième et la troisième génération de ces immigrés, tout en défendant leurs revendications et leurs identités religieuses, ont commencé à fréquenter les écoles et les universités. Elles ont réclamé le port du foulard, exigé la pratique de leur croyance durant le cursus scolaire ou universitaire, l’interruption des cours à l’heure de la prière, la séparation par sexe des lieux pour certaines activités scolaires, comme les cours de gymnastique ou de natation à la piscine, ainsi que pour certaines autres activités de la vie courante comme des plages, des terrains de sport ou des salles de réunion séparés.

L’émancipation féminine a amené une classe féminine instruite et croyante, exerçant des professions libérales, des avocates, des médecins, des ingénieurs, des architectes qui refusent d’ôter leur foulard, mais bien maquillées cependant. Leurs exigences d’être acceptées avec leur foulard ont donné lieu à des procès qui ont statué tantôt en faveur de l’une de ces parties, tantôt en faveur de l’autre.

La laïcité, considérée par les islamistes comme une série d’interdictions contraignantes pour pratiquer librement leur croyance religieuse tout en respectant les exigences de cette croyance, comme le port des signes ostensibles, est directement visée par cette couche croyante et revendicative de la population. La laïcité est perçue comme étant un obstacle à leur émancipation et à leur éducation. Il est significatif que ce langage soit exactement celui tenu par les islamistes radicaux dans les pays occidentaux.

La situation de la laïcité en Turquie, et par voie de corollaire dans les pays musulmans du Maghreb, engendre certains constats.

Le premier constat est la prise en considération de l’effort déployé par les milieux islamistes pour occuper le terrain sur le plan politique. Pour y réussir, ils essayent de contingenter la religion et sa pratique non plus dans la sphère privée, mais dans la sphère publique, en s’efforçant de pousser les adeptes de la laïcité dans la sphère privée. Ce qui se passe actuellement en Egypte est un exemple frappant. Il est à préciser que la sphère publique est une sphère de pouvoir. Ainsi, les adeptes de la laïcité, par la force de poussée des islamistes les confinant dans la sphère privée, se trouvent privés de la sphère du pouvoir. Pour faire valoir leurs identités religieuses, les islamistes essayent d’occuper le centre du terrain et non plus la périphérie. Ils essayent de constituer une force politique et une force de pouvoir parce que la seule façon de défendre leurs idées sur le terrain public est de politiser leurs revendications.

Le deuxième constat est susceptible d’en choquer plus d’un.

Au début de ce sujet sur le cas de la laïcité en Turquie, j’ai évoqué un dilemme : le courage et l’autorité. Le dilemme est de savoir si le courage et l’autorité sont l’apanage d’un régime démocratique concernant le respect de la laïcité dans un pays dont la population est majoritairement musulmane, croyante et pratiquante. Autrement dit, dans un pays majoritairement et foncièrement musulman, est-ce que la démocratie et la laïcité vont de pair ?

Personnellement, je n’ai pas encore trouvé la réponse.

Nous remarquons en effet que chaque fois qu’une intention de laïcité, si minime soit-elle, existe dans un pays dont la population est majoritairement musulmane (l’Algérie, la Tunisie, l’Egypte, la Syrie), celui-ci est dirigé d’une façon autoritaire ou dictatoriale. En Turquie, les moments forts de la laïcité ont correspondu au règne autoritaire de son fondateur et du parti créé par lui.  Une fois que ce règne autoritaire a été remplacé par un régime parlementaire multipartiste, la laïcité a commencé à être fragilisée ou rognée, les partis politiques faisant des concessions de plus en plus concrètes sur le plan de la laïcité pour pouvoir attirer le vote de la majorité des électeurs. La laïcité est d’abord un corps de lois avant d’être un système de pensée.

L’armée était traditionnellement le défenseur de la laïcité en Turquie. A ce titre, elle a recouru par le passé à quelques renversements de gouvernement dont elle estimait qu’ils ne respectaient pas la laïcité. Connaissant la sensibilité de l’armée sur ce chapitre, le gouvernement actuel en Turquie l’a affaiblie par divers procédés. Cette façon de faire est celle adoptée par le régime au pouvoir en Egypte également. Je suis d’avis pour affirmer qu’une démocratie n’est pas viable avec une armée qui se considère comme étant son garant. Dans un système démocratique, pour garantir la survie de la laïcité, il faut que la majorité du  peuple soit convaincue de sa nécessité.  Le seul remède pour y parvenir est un système d’enseignement et d’éducation culturel qui prône les valeurs laïques, en confinant les croyances religieuses à la sphère privée.

La laïcité en Occident a gagné de l’importance dans le discours quotidien ou politique des citoyens dès l’arrivée d’une population importante pratiquant une religion autre que la ou les religions dominantes du pays d’accueil. Comme la majorité de ces nouveaux arrivants étaient de confession musulmane, les rapports de la laïcité avec l’islam ont dépassé le cadre des discussions habituelles sur la laïcité.

Les immigrés musulmans étaient plus ou moins silencieux jusqu’aux années 1970. Jusqu’à cette date, les autres s’exprimaient à leur place et la question de laïcité les concernant ne posait pas de problèmes graves. Ils étaient d’ailleurs habitués à ce que les autres parlent à leur place quand ils habitaient dans les pays colonisés par une force occupante qui les tenait sous contrôle.

A partir des années 1970, la minorité musulmane a commencé à parler, à revendiquer, à vouloir faire valoir son identité religieuse différente.

Plusieurs raisons expliquent ce phénomène.

La première est l’atteinte du seuil de tolérance.

Dans le cas de plusieurs pays occidentaux, ce seuil de tolérance concernant les immigrés musulmans a été atteint à partir des années 70.  A partir de cette date, les mouvements de rejet réciproque basés sur l’action et la réaction ont commencé à apparaître, chaque partie faisant un effort particulier pour faire valoir son identité différente. Ce mouvement a créé des partis politiques extrémistes dans la plupart des pays. Une politique d’intégration concrète et valable ayant souvent fait défaut, ces mouvements de rejet réciproque ont commencé à prendre de l’ampleur.

A partir des années marquant la décolonisation des pays du Maghreb, les musulmans qui formaient la population autochtone de ces états nouvellement décolonisés et indépendants, tenus à l’écart pendant des décennies par la force occupante, ont eu l’exigence bien compréhensible de profiter de leur indépendance et de mettre ainsi en avant leur identité culturelle différente, occultée par l’occupant. Les anciens occupants n’étaient pas prêts à considérer à bon escient ces différences de culture et leur extériorisation. Ceci a donné lieu à des manifestations systématiques d’intolérance réciproques, particulièrement sur le plan religieux.

Les pays occidentaux accueillant chez eux les immigrés musulmans tenaient à vivre selon leurs traditions et cultures religieuses habituelles, sans être prêts, ni mentalement ni matériellement, à concevoir une autre forme de religiosité chez eux.

L’immigrant a tendance à se sentir déraciné et isolé. Il est très vulnérable et il cherche à affirmer une identité qui lui est propre. Les milieux religieux sur place sont conscients de ce fait et manipulent à leur avantage la personnalité de l’immigrant pour la doter d’une nouvelle identité servant leur cause. Ils l’invitent à participer aux réunions des sectes où l’existence d’une sorte de chaleur fraternelle exerce son effet.

Faute d’une compréhension réciproque, et face à une volonté de défense de plus en plus concrète de l’identité islamiste, le problème de la laïcité continuera à être un élément majeur de l’établissement et de la conservation de la paix sociale dans les pays occidentaux.

Nous devons attirer l’attention sur le constat selon lequel l’espace public n’est pas réservé à une catégorie de personnes vivant dans un milieu donné. L’espace public est appelé à contenir toutes les minorités vivant dans cet espace. Une velléité de vouloir tenir en dehors de cet espace public une minorité de citoyens, du fait de sa différence culturelle et religieuse, suscitera impérativement, à court ou à long terme, des problèmes d’intégration, ayant comme conséquence de renforcer les radicaux écartés de l’espace public. Ceci finira par politiser non seulement la laïcité, mais aussi bien l’Islam. L’opposition de ces deux entités politisées, basée sur une ignorance réciproque et l’exclusion de l’autre, est susceptible de créer des crises insurmontables. Ce n’est pas en contingentant la laïcité et l’Islam dans des sphères différentes qu’on pourra résoudre les crises éventuelles, mais en essayant au contraire de créer un consensus et de trouver les formules qui permettraient de vivre en harmonie dans une communauté dont chacun des acteurs s’épanouirait en respectant l’autre.

Ceci est exactement le langage tenu par les défenseurs de la laïcité en Egypte, face au pouvoir islamiste de nos jours.

C’est également, je pense, le prix à payer pour que l’harmonie règne dans une société, aussi bien dans les pays musulmans que dans les pays occidentaux, où malheureusement trop d’exclusivités apparaissent.          

 

Partager cet article
Repost0

commentaires

Conférences et réunions

Conférences 2010

  • Le 19/03/2010 - "L'identité nationale, représentations, histoire, enjeux" par Roger Lefers - Agrégé de l'Université, Président du Cercle Condorcet 06 
  • Le 25/06/2010 - "Société tibétaine, bouddhisme et Dalaï Lama"  par Gérard Vial 
  • Le 30/10/2010 - "Vous avez dit misère ou pauvreté ?" par José Gomez, Diplomé en Sciences de l'Education Sociales et Humaines, Chef d'Unité d'Enseignement à l'occasion de la Journée Mondiale de la Pauvreté
  • Le 17/12/2010 - "Femme, Sociétés, Laïcité" par Jean-Claude Daugeron à l'occasion de la Fête de la Laïcité -

 Conférences 2011

  • Le 11/03/2011 - "Civisme et citoyenneté" conférence table-ronde animée par Candice Schwaar
  • Le 17/06/2011 - "Ecole publique laïque : l'enjeu" conférence-débat par Mme Christine Sampéré élue de la municipalité de la Seyne-sur-Mer
  • Le 07/10/2011 - "L'islamisme ou la modernité mutilée" par Madame Chahla Chafiq, docteure en sociologie et essayiste. Lauréate Sciences Humaines et Sociales de la 13ème Edition "Le Monde de la recherche universitaire"
  • Le 09/12/2011 - "Autour de la Laïcité en six thèmes" à l'occasion de la Fête de la Laïcité, Echange/débat, présentation de Jean-Claude Daugeron et  interventions des membres du Cercle Condorcet Var-Est

Conférences 2012

  • Le 14/03/2012 - "Condorcet aujourd'hui" conférence par le professeur Charles Coutel, spécialiste de Condorcet
  • Le 13/06/2012 - "La mission de l’école de la République et les valeurs qu’elle défend sont-elles toujours d’actualité ? "  par José Gomez
  • Le 17/10/2012 - " Spinoza face à l'intolérance " par Alain Billecoq Agrégé de Philosophie
  • Le 12/12/2012 - "La Laïcité dans un pays à majorité de population musulmane : l'expérience turque" par  Metin Ancem

Conférences 2013

  • Le 22/03/1013 - " La Constituante : Pourquoi pas ?  " par André Bellon, parlementaire AHP  anime le journal ‘’République’’ - Président de la Commission des affaires étrangères
  • Le 14/0602013 - " Les tourmentes de l'adolescence" par José Gomez
  • Le 18/10/2013 " L'humanisme solaire de Camus " par Madame Colette Guedj, écrivain et professeur émérite à l'UNSA (Université de Nice Sophia Antipolis). 2013 étant l'année du centième anniversaire de la naissance d'Albert Camus
  • Le 13/12/2013 - Manifestation consacrée à la Laïcité

 

Réunions thématiques  (Premier lundi du mois à 19 heures)

Maison des associations

213, rue de la Soleillette

83700 Saint-Raphaël 

 

Réunions thématiques 2010 

  • Le 04/01/2010- "Il faut détruire Jérusalem..." par Albert Grégoire 
  • Le 01/02/2010 - "Divorce, phénomène de société" par Jean Cristina 
  • Le 01/03/2010 - "L'information du citoyen peut-elle être impartiale ?" par Michel Ruby
  • Le 05/04/2010 - Reportée 
  • Le 03/05/2010 - "Nanotechnologie, pour le meilleur et pour le pire" par Véronique Dupont
  • Le 06/09/2010 - "Pourquoi Condorcet  ?" par Raymond Abel
  • Le 04/10/2010 - Assemblée Générale
  • Le 06/12/2010 - "Y a-t-il déclin de l'Occident ?" par Gérard Gras  

Réunions thématiques 2011

  • Le 03/01/2011 - "Le vrai visage de la République" par Michel Thomas
  • Le 07/02/2011 - "Tous malades ?!?... abus de médicaments" par Albert Grégoire
  • Le 07/03/2010 - Pas de réunion en raison de la proximité avec la table-ronde
  • Le 04/04/2011 - "Déclaration universelle des droits de l'homme et droits fondamentaux" par Véronique Dupont
  • Le 02/05/2011 - "Energies renouvables" par Michel Ruby
  • Le 06/06/2011 - "Révolution fiscale ?!?" par Michel Thomas
  • Le 05/09/2011 - Pas de réunion, reprise d'activité avec la conférence du 7/10/2011
  • Le 03/10/2011 - Pas de réunion en raison de la proximité avec la conférence
  • Le 07/11/2011 - Assemblée Générale et "Sortir de la crise. Quelles solutions possibles ?" par Gérard Gras
  • Le 05/12/2011 - Pas de réunion en raison de la proximité avec la conférence interactive

 Réunions thématiques 2012  

  • Le 02/01/2012 - Réunion annulée 
  • Le 06/02/2012 "L'eau, enjeu international et en région PACA" par Michel Ruby
  • Le 05/03/2012 - Pas de réunion en raison de la proximité avec la conférence
  • Le 02/04/2012 - " Les paradis fiscaux en 7 vers illustres " par Raymond Abel d'après le livre de Nicholas Shaxon
  • Le 07/05/2012 - " La démocratie est-elle une illusion ? " par Michel Thomas
  • Le 01/10/2012 - " Ceux pour qui la fête continue !" par Raymond Abel
  • Le 05/11/2012  -  Assemblée générale
  • Le 03/12 /2012 - "Citoyenneté, Démocratie, Etat-nation" par Albert Grégoire

Réunions thématiques 2013    

  • Le 07/01/2013 "La sélection des "élites" en démocratie" par Michel Thomas
  • Le 04/02/2013 - " Qui jette un oeuf, jette un boeuf..." par Véronique Dupont
  • Le 04/03/2013 - " L'armée française en Afrique, ces 20 dernières années " par Maurice Accary
  • Le 06/05/2013 - " Agriculture et Littoral, un avenir à haut risque... ! "par Michel Ruby
  • Le 03/06/2013 - " Le petit "De Gaulle " illustré " par Michel Thomas
  • 

Nous contacter