De la laïcité...
La France laïque vénère Jules Ferry qui instaura l'école « laïque, gratuite et obligatoire ».
Cette vénération mériterait d'être largement tempérée; en effet, voici l'instruction que son principal collaborateur, l'inspecteur général Picaut, adressait aux instituteurs: « Ce que vous devez apprendre aux enfants des classes laborieuses, c'est la tempérance, la sobriété, l'économie rigoureuse, la privation obstinée des commodités et des plaisirs... »
Charles PEGUY se souviendra de ces « petits traités de morale » destinés à convaincre les enfants des pauvres que le juste est heureux sur terre, alors, ajoute PEGUY, que « tout est organisé pour que l'injustice règne temporellement ».
Pour parfaire son ouvrage FERRY invente « la religion de la patrie ». En 1882, on y apprend que l'esprit du mal, c'est le Prussien; on y chante du Déroulède, les yeux fixés sur « la ligne bleue des Vosges ». L'histoire de France de LAVISSE s'achève sur cette exhortation : « La France a perdu sa renommée militaire pendant la guerre de 1870.
C'est à vous, enfants élevés dans nos écoles, qu'il appartient de venger vos pères vaincus à Sedan et à Metz ». Pas un mot, bien entendu, des insuffisances de l' Etat -Major ni de la trahison de Bazaine !
C'est de cette école simplement destinée à diffuser un enseignement comparable à celui que dispensait l' Eglise, que les instituteurs ont fait une école républicaine. PEGUY, qui bénéficia de leur enseignement et fut boursier, les baptisa « Hussards noirs de la république ».
Ces jeunes maîtres issus des Ecoles Normales se donnaient corps et âme à une véritable mission : instruire le peuple français et faire de leurs élèves des citoyens.
Pendant la IIIeme république, et sous des gouvernements qui étaient tous conservateurs à des degrés divers mais jamais progressistes, ils maintinrent le cap et assurèrent le renom de l'école républicaine. Les choses se gâtèrent sous la IVeme république, toujours colonialiste et réactionnaire (refus obstiné du vote féminin) : les enseignants du Public, rentrés dans le rang, devinrent des professionnels comme les autres, ils s'embourgeoisèrent et, la « mission républicaine » oubliée, ne se consacrèrent plus qu' à un « métier ».
J-C. DAUGERON avait , vendredi soir, parfaitement raison d'affirmer que la seule façon de lutter contre la concurrence déloyale – parce que bénéficiant de l'appui du pouvoir et de l'argent des écoles privées, c'était de viser l'excellence.
Ce qui ne devrait évidemment pas empêcher tous les démocrates de dénoncer les
avantages anormaux dont bénéficient les écoles privées, et de lutter contre la dégradation programmée de TOUS les services publics.
Michel THOMAS