Réunion thématique du 4 février 2009 par Jeanie Leva
"Il n'y a que la liberté de penser
et d'agir qui soit capable de produire de grandes choses."
(Jean le Rond d'Alembert 1717/1783)
L'idée de travailler sur la Libre Pensée a germé en moi après la lecture d' un article qui abordait le thème du « libre arbitre » par la génétique. Suite à cette lecture, j'ai voulu
approfondir cette question.
Nous allons essayé de poser les bases du raisonnement suivant une pensée logique où nous allons très souvent décliner le mot « liberté » .
Qu 'est ce que la « liberté » ?
Si nous voulons proposer une définition de la liberté suffisamment large pour qu'elle s'applique à toutes les formes de liberté , nous ne pouvons proposer qu'une définition négative :
« la liberté est absence de contrainte ». Dés lors, on parlera de « libertés ». Le mot liberté se mettra au pluriel, car il y a autant de libertés que de contraintes
dont on s'affranchit.
Comprenons bien que dans ce sens la liberté est de pouvoir agir indépendamment, non seulement, de contraintes extérieures, mais .... de toute détermination intérieure.
Nous aurions, suivant cette définition, le mystérieux pouvoir de poser des actes qui ne seraient déterminés d'avance, ni par nos idées, ni par nos instincts, ni par nos habitudes....tel est le
« libre-arbitre » des métaphysiciens !
Pouvons-nous accepter cette définition de la liberté ?
Ainsi défini, nous ne pouvons démontrer l'existence de la liberté.
Mais, si on ne peut pas démontrer la liberté, peut être, peut-on en faire l'expérience ?
Le libre arbitre est-il un mythe ou une réalité ?
Toutes les philosophies du libre-arbitre parlent d'expériences psychologiques ou morales.
Descartes nous dit que « la liberté de notre volonté se connaît par la seule expérience que nous en avons » quand Liebniz invoque « le sentiment vif interne » du
libre-arbitre.
On ne prouverait pas mais, on éprouverait le libre-arbitre...La Liberté , le libre-arbitre seraient donc subjectifs ?
Le terme de « Libre-Arbitre », a précédé celui de « libre pensée » qui est né au XVIII°siècle comme nous le verrons plus
loin.
Dans les années 1970-1990, le « libre-arbitre », a été l'objet d'études de deux chercheurs.
Francis Crick, Prix Nobel de médecine en 1962 pour la découverte de la structure de l'ADN, pense que le libre-arbitre implique des interactions entre différentes parties du cerveau mais qu'il
n'est pas déraisonnable de penser qu'une partie du cerveau est plus spécialement concernée.
Sir John Eccles, prix Nobel de physiologie et de médecine en 1963 pour son travail sur la synapse, et auteur du livre « Comment la conscience contrôle le cerveau », a suggéré la même
hypothèse audacieuse. Pour lui le libre-arbitre est tissé autour du sens moral, de l'attention, de la mémoire et de la conscience. Il est la fonction cognitive majeure qui engage
intégralement notre personnalité. Une atteinte au cortex pré-frontal transformerait complètement un individu au plan de sa personnalité morale ainsi que son potentiel émotionnel. Nous
sommes, il est vrai, à l'origine de tous nos choix ; mais avons nous choisi ce que nous sommes ? Sommes-nous génétiquement, culturellement et socialement programmés pour être ce que nous
sommes ?
Les caractères d'un individu dépendent , d'une part, du patrimoine héréditaire qu'il a reçu de ses parents et , d'autre part, des conditions du milieu dans lequel il a vécu lors de son
développement, nous pensons aussi qu'ils dépendent des acquis ontologiques dans le sens ou « ontologie »désigne une modélisation conceptuelle.
Cette influence est-elle purement individuelle ? strictement limitée à un individu ?
Quand l'individu est modifié par le milieu son patrimoine héréditaire est il modifié ? C'est la grande question de l'hérédité des acquis. En d'autres termes, quand un individu est modifié
par le milieu, son patrimoine héréditaire est-il lui aussi modifié dans le même sens ? Nous ne sommes pas ici pour développer cette question, la poser nous sert à éclairer le
thème abordé ce soir, la poser nous aide dans l'approche de la réflexion que nous menons sur la « liberté de penser ».
La notion de libre-arbitre, synonyme de liberté, désigne le pouvoir de choisir de façon absolue, c'est-à-dire d'être à l'origine de nos actes, mais comme nous venons de le voir, est-il si évident
que nous ayons un contrôle sur nos pensées et nos émotions ?
Fort heureusement, il nous arrive d'avoir, une prise de conscience des procédures mentales, des méthodes et des processus intellectuels que nous mettons en œuvre pour résoudre un problème. La
connaissance que l'on a de ses propres processus cognitifs, de leurs produits et de tout ce qui y touche, peut nous permettre d'exercer un contrôle réfléchi et de revenir sur les principes que
nous employons. Dans ce cas, notre pensée comporte un élément actif ; ce contrôle s'apprend et s'éduque, il est la logique de la raison.
Ce qui revient a dire que , dans l'hypothèse ou nous serions génétiquement, psychologiquement et culturellement « programmés » pour être ceci ou cela , nous pouvons nous dégager de
cette structure cérébrale par la connaissance et le raisonnement.
Le raisonnement est un procédé employé pour justifier un jugement représenté par son expression verbale. Tous les raisonnements s'appuient sur des principes qui selon Liebniz nous sont
« nécessaires comme les muscles et les tendons le sont pour marcher ».
La raison semble donc se présenter comme un ensemble de règles, de principes, qui dirigent le travail de la pensée, qui sont universels et nécessaires, voire innés.
Selon Charles Sanders Peirce, « le raisonnement est essentiellement de la pensée qui est sous contrôle de soi... »,
Ce qui peut-être considéré comme une re-formulation du très fameux « connais-toi toi-même » de Socrate.
De tout temps l'homme réfléchi sur sa condition donc sur la liberté et la pensée.
C'est dans l'antiquité avec Socrate et Aristote, que la libre pensée trouve ses racines.
Bien que la notion de « libre-arbitre » soit absente de la pensée grecque, Aristote définit l'homme par un pouvoir de préférence, qui est celui du choix éclairé par la raison, il nous
dit que vicieux ou vertueux l'homme agit toujours de son plein gré, car « l'intellect est l'essence même de l'homme » ainsi que l'affirmait déjà Platon, qui disait aussi :
« la vérité est le critère de la science, mais l'impulsion qui entraîne l'homme vers la science est le bien ; il est ce qui rend possible et ce qui justifie la démarche en quoi consiste
la pensée. »
Si le terme «libre pensée » n'existait pas chez nos anciens , nous voyons ici qu'il a été « pratiqué » par les plus grands philosophes .
Nos prédécesseurs les « libres-penseurs » ont appliqués des « raisonnements » suivant des « logiques de pensées » qui les ont conduits a avoir aussi des théories
panthéistique sur l'âme humaine qui selon certains, dont Socrate et Platon, conserve un fond d'être qui reste impérissable. ..
On ne peut raisonner, penser, que lorsque l'on se connaît, Socrate fut un libre-penseur, il affirmait « il ne mène point la vie d'un homme celui qui ne s'interroge pas lui
même ».
Raisonner c'est, d'après lui, pratiquer une gymnastique intérieure qui se traduit par un surplus de connaissance de soi, et la tâche de Socrate fut de convertir à la vertu par le savoir.
Si la « libre-pensée » plonge ses racines dans l'Antiquité ( Socrate, Démocrite, Epiqure, Lucrèce), en passant par le Moyen Age (François Villon), puis la Renaissance (Erasme,
Rabelais Giordano Bruno), elle est triomphante dans les Lumières du XVIII° siècle et la Révolution Française.
Les libres penseurs s'attachent à un train de pensées qui est guidé par la raison et non par les dogmes.
La « libre pensée » prend sa forme moderne dans la seconde moitié du XIXème siècle.
D'un monde de philosophies, d'études , de connaissances, nous voilà projetés en plein cœur de l'histoire.
Jacqueline Lalouette, dans un ouvrage issu d'une thèse d'État, restitue le mouvement qui mène de la première société connue (en 1848) et du premier essor, à la fin du Second Empire,
jusqu'au déclin de l'entre-deux guerres et à son interdiction en 1940, en passant par la période 1880-1914 qui constitue son apogée. Elle présente ces libres penseurs (un recrutement
principalement masculin, et assez populaire) et leurs associations.
La fin du XIX e siècle vit l'expansion du grand capitalisme, favorisé par l'exploitation des inventions nouvelles et le développement des profits liés au colonialisme et à l'affaiblissement
du mouvement prolétarien. La conséquence fut la Commune en 1871.
Deux préoccupations font jour, améliorer le sort des travailleurs et désir d'aboutir à l'émancipation des femmes.
Les événements de cette période exercèrent une influence profonde sur ceux et celles qui furent les premiers artisans de la démocratie.
Victor Hugo dans ce contexte communard, par le concours de son verbe et de sa plume exalta le dévouement civique et le stoïcisme des femmes, il est l'un des premiers utilisateurs du terme
« libre-pensée », peut-être même le premier, ce qui n'est pas sans importance pour l'histoire de la Libre-Pensée. Dans la rédaction de son discours sur «La Liberté
d'enseignement», (non pas dans ce qui fut prononcé le 15 janvier 1850, mais dans une variante reproduite), il note : "Si vous ne nous laissez d'autre alternative que le
rationalisme ou le jésuitisme, nous choisissons le rationalisme": Hugo a écrit, au-dessus de "rationalisme", "libre-pensée".
Il est important de noter que l'expression "libre-pensée " puisse apparaître comme variante possible de "rationalisme ". En cela Hugo est étroitement lié à l'histoire lexicologique, idéologique,
politique et religieuse de la libre pensée dans sa forme moderne.
Jusqu'en 1872 on demandait aux citoyens recensés d'indiquer leur religion: catholique, protestante, juive,... choix dont la libre-pensée était exclue. L'abolition de cette rubrique du recensement
fut une des revendications des libres-penseurs, précisément parce qu'il était impossible de se dire sans religion.
Le terme de "libre-pensée" apparaît tardivement dans les dictionnaires. Nulle occurrence dans le Littré où on désigne la « libre-pensée » par "liberté de penser" qui a pour
définition : « manière téméraire de penser en matières de religions, de morale, de gouvernement. ».
La première occurrence du composé "libre-pensée" habituellement répertoriée est celle du «Grand Dictionnaire Universel Larousse » de 1873 dans lequel le terme fait l'objet d'un long
article à dimension politique très affirmée.
La libre-pensée est un courant de pensée diffus qui refuse tout dogme et milite en faveur d'une pensée libre où aucune idée révélée, décrétée, ou présentée comme une certitude, ne fait autorité,
en particulier dans les questions religieuses. La réflexion est guidée par la raison et les religions révélées sont vues comme des obstacles à l'émancipation de la pensée.
Par extension, le terme est utilisé lorsqu'on s'affranchit de toute croyance religieuse.
Cette acception se complique naturellement du fait que la Raison est définie de manière diverse, et qu'elle n'est pas le monopole des libres-penseurs: les catholiques se réclament également de
l'usage de la Raison dont ils donnent bien sûr une autre définition.
Cela dit, cette acception permet de regrouper sous un même vocable quantité d'individus appartenant à des courants divers: Les libres-penseurs sont des déistes, des panthéistes, des agnostiques,
des sceptiques, des athées, des radicaux, ou encore des spiritualistes.
Dans son second sens, la "libre-pensée" recouvre un ensemble de sociétés qui regroupent des libres-penseurs. On peut donc adhérer à la libre-pensée (courant de pensée) sans adhérer à la
libre-pensée (mouvement associatif).
L'étude lexicographique met en évidence deux faits qui sont importants: l'instabilité orthographique et sémantique du terme "libre-pensée" (qui peut s'écrire avec ou sans trait d'union qui peut
se dire : « pensée libre » ).
Cette instabilité est à mettre en rapport avec sa forte charge idéologique et politique née des révoltes que nous avons évoquées plus haut et qui en ont influé le sens.
Il peut donc exister des libres-penseurs déistes et spiritualistes, qui en même temps participent à la vie de diverses associations de libre-pensée.
La libre pensée a joué un rôle important dans la vie politique de la Troisième République, dans les combats qui mènent aux lois sur l'enseignement laïque et à la séparation de l'Église et de
l'État .
Les associations ont aujourd'hui une définition précise de la « libre-pensée » dont je vous donne lecture : (ceci est un copier/coller du site « la libre pensée »
fédération Haute Garonne).
Fondée en 1847 par la rencontre des militants conscients du mouvement républicain et ouvrier naissant qui se fixaient pour but la laïcité de l'école et de l'état, et la lutte intransigeante
contre l'oppression religieuse, la Libre Pensée compta parmi ses membres les plus illustres figures du XIX° et du XX° siècle. François-Vincent Raspail,.Auguste Blanqui, Victor Hugo, Littré, Paul
Bert, Ferdinand Buisson, Aristide Briand, Clémenceau, Emile Zola, Romain Rolland, Victor Basch, Edouard Herriot. Anatole France, Jean Jaurès, Bertrand Russel, Jean Rostand comptèrent parmi ses
membres,
La Libre-Pensée repose sur quatre principe fondamentaux que des générations de libres-penseurs ont mis en œuvre.
- Elle est anticléricalecar elle refuse toute ingérence des religions dans la société civile et dans les institutions
républicaines. Elle agit pour le strict respect de la loi de séparation des Eglises et de l'état du 9 décembre 1905 qui est le produit de l'acte des libres penseurs. La Libre-Pensée est pour la
laïcisé institutionnelle.
- Elle est antireligieusecar elle considère les religions comme l'une des principales sources d'oppression et d'obscurantisme de
l'Humanité. Elle estime que l'Homme doit conquérir son bonheur de son vivant et non dans un pseudo - paradis extra-terrestre. Elle réfute toute vérité révélée, récuse tous les dogmes et se
prononce pour une totale liberté de la pensée.
- Elle est antimilitariste, car elle refuse que les peuples se massacrent pour des intérêts qui ne sont pas les leurs. Se
prononçant pour le désarmement unilatéral, elle est internationaliste, car elle place au-dessus de tout les intérêts des peuples. Pacifiste, la Libre Pensée est membre des Forces libres de la
paix.
- Elle est anticapitaliste car elle refuse toute exploitation économique qui, comme l'oppression politique et religieuse, ne vise
qu'à assujettir l'individu au détriment de ses droits légitimes Sociale, elle milite pour l'émancipation totale de l'individu,
Les libres-penseurs sont des individus libres, c'est pourquoi, en adhérant à la Libre-Pensée, ils s'engagent à ne faire aucun sacrement religieux pour eux mêmes ainsi que pour leurs enfants
mineurs et ont des funérailles civiles.
Considérant que les institutions républicaines doivent retrouver force et vigueur, les Libres-Penseurs exigent :
- Le curé à l'église, l'instituteur à l'école !
- Pas un Euro de fonds publics à l'école privée !
- Abrogation de toutes les lois anti-laïques !
- Abrogation du statut d'exception clérical d'Alsace et Moselle!
- Retour à un strict respect de la loi de séparation des églises et de l'état de 1905 !
L'association la « Libre-Pensée » appelle tous les citoyens et citoyennes qui se reconnaissent dans ces principes à rejoindre ses rangs afin d'œuvrer à l'émancipation culturelle,
sociale et politique de l'Humanité.
Si « les caractères d'un individu dépendent , d'une part, du patrimoine héréditaire qu'il a reçu de ses parents et , d'autre part, des conditions du milieu dans lequel il a vécu lors de son
développement » alors nous pouvons dire - et pour sourire -que manifestement ces associations regroupent des individus descendants en ligne directe de révolutionnaires, communards et
résistants...car malgré mes multiples recherches j'avoue ne pas avoir trouvé sur la toile des associations de libres-penseurs déistes et panthéistes ...quoi que ...
Il y eu les Fouriéristes dont la plupart d'entre eux participent à la tendance spiritualiste et déiste de la libre pensée, active surtout à la fin du Second Empire et représentée par le groupe de
l'Alliance religieuse universelle ; celle-ci est animée par Henri Carle, lui-même disciple de Cabet et Leroux, et s'exprime dans La Libre conscience, publiée de 1866 à 1870, puis
qui reparaît brièvement en 1873 .Ce courant affirme l'existence de Dieu et l'immortalité de l'âme, mais refuse les autres croyances, rejette les pratiques cultuelles de l'Église ainsi que
l'autorité de ses clercs.
Il y eu aussi en 1717 le libre-penseur John Tolland crée le Druid Order (DO) à Londres , c'est un Ordre à la fois panthéiste, anticlérical et anticonformiste. Une deuxième branche l'Ancien
Ordre des Druides est constitué par le charpentier « libre-penseur » Henri Hurie en 1781,
cette branche se voue au progrès humain et social....cette naissance du druidisme est par conséquence l'origine du néo-druidisme dérive idéologique véhiculée par une frange extrémiste dont
certains négationistes se sont inspirés...
Petite ou grande histoire de la dérive des idées qui est là juste pour nous rappeler un élément essentiel qu'il nous faut appliquer à toutes nos pensées , savoir les maîtriser.
Pascal nous dit que : « toute notre dignité consiste à penser », alors travaillons à bien penser : voilà le principe.
Je terminerai ici ce modeste travail en citant quelques vers du très fabuleux poète
Victor Hugo... extrait de son poème Stella :
« Penseurs, esprits, montez sur la tour , sentinelles !
Paupières ouvrez-vous ! allumez- vous prunelles !
Debout vous qui dormez ! - car celui qui me suit,
Car celui qui m'envoie en avant la première,
C'est l'ange Liberté, c'est le géant Lumière ! »