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20 mars 2013 3 20 /03 /mars /2013 15:59

Chers amis du Cercle Condorcet Var-Est,

 


Il n'y aura pas de réunion thématique le premier lundi d'avril, ce sera le lundi de Pâques, la maison des associations sera fermée.

 


Nous nous retrouverons le lundi 6 mai 2013, le thème de cette réunion vous sera communiquée prochainement.

 

Bien cordialement.

Le Président

Albert Grégoire

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19 février 2013 2 19 /02 /février /2013 16:55

Maison des associations, rue de la Soleillette Saint-Raphaël à 19 heures

 

L’armée française en Afrique, ces vingt dernières années

Par Maurice Accary

CADRE

·         le poids de l’histoire

·         le « LIVRE BLANC » pour la Défense et la Sécurité Nationales

·         les accords bilatéraux signés entre la France et certains Etats Africains

·         l’évolution des effectifs des Armées Françaises depuis vingt ans

PROCEDES D’ACTION

·         l’Assistance militaire technique

·         le ‘‘pré-positionnement’’ de forces armées opérationnelles dans certains pays d’Afrique

·         la ‘‘projection’’ de forces armées opérationnelles Terre – Air – Mer à partir de la France

MOYENS ET SAVOIR-FAIRE

·         Armée de Terre

o   Traditionnels pour certaines Armes (troupes de Marine – Légion Etrangère)

o   Développés et entretenus pour le reste de l’armée de terre par le système des Unités tournantes

o    Mention particulière pour l’ALAT (Aviation Légère de l’Armée de Terre)

§  hélicoptères de combat

§  hélicoptères de manœuvre

 

·         Armée de l’Air

o   Révolution apportée par le ravitaillement en vol des aéronefs, rayons d’action plus importants

o   Apprentissage à la rusticité africaine par les équipages des avions de chasse

o   Mention particulière pour le Transall

 

·         Marine

o    Développement depuis vingt ans des capacités en moyen de projection : T.C.D (Transport de Chalands de Débarquement)

o   Avions de patrouille maritime

 

·         Chaîne de renseignement

o   Ensemble des moyens Terre – Air – Mer pratiquant du renseignement

o   Satellites, drones

o   Organisation centralisée et informatisée du recueil, du traitement et de la diffusion du renseignement

FAIBLESSES

·         Armée de Terre

o   Manques quantitatifs de certains matériels et équipements

o   Effectifs trop justes pour une conduite simultanée de toutes les actions prévues au « LIVRE BLANC »

 

·         Armée de l’Air

o   Déficit d’avions de ravitaillement en vol

o   Transall à bout de souffle.  A400M (nouvel avion militaire construit par Airbus qui doit remplacer le Transall)

o   Quantité de munitions disponibles trop faible

 

·         Marine

o   Avions de patrouille maritimes à bout de souffle

o   Quantité de T.C.D. trop faible

o   Un seul porte-avions

 

·         Renseignement

o   Quasiment pas de drones

o   Pas de satellites spécialisés

L’AVENIR

·         Le prochain « LIVRE BLANC »

·         La cohérence entre les missions données par le « LIVRE BLANC » et les MOYENS BUDGETAIRES

 

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13 février 2013 3 13 /02 /février /2013 18:49

Centre culturel de Saint-Raphaël à 18 heures - Salle Mistral

 

La Constituante ? Pourquoi pas ?

 

Citation du conférencier :

« Le présidentialisme génère la vassalisation des individus soumis à la logique des écuries présidentielles et détruit la liberté comme la responsabilité individuelle des élus du peuple. Prétendre créer une diversité des positions dans ce contexte apparaît comme une plaisanterie puisqu’on doit se situer par rapport à un des deux élus potentiels. Le régime devient celui d’un bipartisme aseptisé, instrument de la mondialisation, gommant les lignes de fracture profondes comme les conflits sociaux qui traversent la société. »

 

-      o0O0o -

 

 

André Bellon est né le 31 août 1943 à Marseille est un homme politique, écrivain et philosophe français.

 

André Bellon est polytechnicien, ingénieur civil des Ponts et Chaussées et Administrateur de l'Insee.

Il est élu député du Parti socialiste des Alpes de Haute-Provence en 1981, 1986 et 1988 .

Il se présente en 1993 sous l’étiquette Gauche républicaine, mais est battu.

Retiré de la politique, critique sur les dérives du PS et de la vie politique française, il est un collaborateur régulier du Monde Diplomatique.

Courant 2006, il devient l'un des fondateurs du groupe de réflexion « République ! »

En 2007, il fonde l'association «  Pour une Constituante » dont il est président. Celle-ci appelle le peuple français à modifier les institutions et à se réapproprier la vie politique autour d'une Assemblée constituante et de l'élaboration de cahiers de doléances.

 

Ouvrages publiés

Un Totalitarisme tranquille : La démocratie confisquée Syllepse, 2001 avec Anne-Cécile Robert .

Pourquoi je ne suis pas altermondialiste : Éloge de l'antimondialisation Mille et une nuits, 2004

Le Peuple inattendu Syllepse, 2003 avec Anne-Cécile Robert et Claude Nicolet 

Mémento du républicain Mille et une nuits, 2006 avec Henri Penaz-Ruiz, Jérémy Mercier et Inès Fauconnier.

 

Une nouvelle vassalité. Contribution à l’histoire politique des années 1980 Mille et une nuits, 2007

 

Ceci n'est pas une dictature Mille et une nuits, 2011

 

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5 février 2013 2 05 /02 /février /2013 16:51

Qui jette un œuf, jette un bœuf...

Par Véronique Dupont

 

C’est avec ce slogan choc que le ministère de l’agriculture lance une opération de communication auprès des communautés en ligne et invite enfants, adolescents, jeunes adultes, mamans, à propager cette campagne virale sur les réseaux sociaux et participer à la lutte contre le gaspillage alimentaire. 

Se rendre sur le site gaspillagealimentaire.fr.

 

« Chaque Français jette de 20 à 30 kgs de nourriture par an. Ce gaspillage représente environ 400 € pour une famille de 4 personnes. »

 

Dans une interview accordée au Journal du Dimanche (21 octobre 2012), Guillaume Garot, ministre délégué chargé de l’agroalimentaire, explique qu’il veut réduire de moitié le volume des déchets alimentaires d’ici à 2025 et propose « un pacte national contre le gaspillage alimentaire, signe d’une mobilisation partagée ».

 

 

1 milliard 300 000 tonnes de produits alimentaires comestibles sont jetés chaque année

 

 

Un milliard trois cent mille tonnes, 1000 300 000 000 kilos. Ce chiffre, qui donne le vertige, correspond à la quantité totale de nourriture comestible gaspillée chaque année à travers la planète, c'est-à-dire, plus d'un tiers de la production globale mondiale.

     

·         Assez pour nourrir le milliard de personnes qui souffre de la faim de manière chronique.

 

·         Assez pour préserver 100 % des vies perdues pour cause de famine.

 

·         Assez pour sauver les 300 000 morts infantiles liées à la malnutrition des mères.

 

Alors que certains experts estiment que nous avons atteint les limites de terres arables et d’eau disponibles pour l’agriculture et l’élevage, il est temps que ce problème encore relativement inconnu soit relayé par les médias, et fasse l’objet de décisions politiques au niveau international. L’accès ou non à l’eau potable et à la nourriture déterminera les conflits de demain. A nous, nantis parfois ingrats, de prendre le problème à bras le corps pour faire la différence.

 

A ceux qui me répondent que vouloir réduire ce gaspillage est un vœu pieux, je réponds que ce gâchis planétaire est l’affaire de tous. Surtout que dans les pays industrialisés, où 40 % des pertes proviennent après l’acheminement des produits en magasins, tout simplement parce que les commerçants, pour répondre à la demande des consommateurs, détruisent ou simplement refusent de commercialiser des produits qui ne répondraient pas aux canons de la perfection. Cette attitude a un impact direct sur le prix de distribution des produits alimentaires.

  

Alors, que pouvons-nous faire ?

 

Prise de conscience et action au niveau du consommateur 

 

Le documentaire Global Gâchis, diffusé sur CANAL+ et présenté par l’activiste anglais Tristram Stuart, fait un état des lieux de ce gaspillage et propose des solutions. Lors de la diffusion du documentaire, CANAL+ a organisé à Paris le 13 octobre un banquet géant à base de produits destinés au rebut. L’occasion de sensibiliser l’opinion au gaspillage alimentaire.

 

Dans les pays occidentaux, nous jetons les yaourts périmés de deux jours sans réfléchir ou les tomates un peu abîmées sans réaliser qu'elles sont toujours bonnes.

 

San-Francisco est la première ville américaine à passer une loi de ce type, les habitants doivent non seulement faire le tri de leurs ordures ménagères mais aussi isoler les déchets qui peuvent être compostés dans une petite poubelle verte financée par la ville. Le résultat ? Une prise de conscience (aussi aidée par les contraventions salées en cas de dépôt de produits compostables dans la poubelle “classique”), une réduction drastique des déchets alimentaires, et la fourniture en compost riche des agriculteurs locaux. Et la boucle est bouclée.

 

Il faut souligner que certains aliments sont encore consommables même si la date indicative de validité est dépassée, d'autres sont à éviter une fois périmés. Ainsi, il faut faire le distinction entre :

" A consommer de préférence avant le..." indique la limite d'utilisation optimale. Un produit dont la date d'utilisation optimale a été dépassée ne présente normalement pas de danger mais certaines propriétés telles que le goût, la couleur et la texture peuvent avoir été altérées (blanchissement du chocolat, ramollissement des biscuits...).

Ce sont par exemple : des denrées alimentaires séchées, les conserves, les produits à teneur élevée en sucre, les denrées alimentaires fortement acides, le lait UHT... Elles peuvent être conservées à températures ambiante et demeurent souvent comestible après leur date de péremption.

" A consommer jusqu'au..." précise la date limite de consommation. Cette inscription se trouve sur les denrées hautement périssables d'un point de vue microbiologique. Ceci implique qu'un produit dont la date limite de consommation est expirée peut présenter un risque pour la santé. Ce sont principalement des produits frais devant être conservés au réfrigérateur.

Ces produits sont par exemple : la viande fraîche, le poisson, le poulet, le lait pasteurisé, les légumes prédécoupés les repas préparés, les salades prêtes à l'emploi.

D'autre part, lorsqu'est entamé un aliment conservé au réfrigérateur, penser à y indiquer la date d'ouverture car il ne se conservera plus que très peu de temps (une fois ouvert, la date de péremption n'a plus aucune valeur).

  

Privilégier l’agriculture locale de saison :

En achetant des myrtilles du Chili, des fraises Mexicaines en hiver ou des haricots du Sénégal hors-saison, nous participons au grand gaspillage planétaire. Plus un légume ou un fruit voyage, plus il risque d’arriver abîmé, cabossé, écorné ou tout bêtement, avarié. Raccourcissons donc le temps passé en transport pour ces denrées en privilégiant les agriculteurs locaux et les produits de saison (au passage, réduisant ainsi l’empreinte carbone sur la planète).

 

Responsabilité de la petite et grande distribution : 

En adaptant au mieux leurs commandes, les supérettes et supermarchés peuvent gérer leurs stocks au plus serré et éviter d’avoir à jeter des produits consommables mais invendus (2 millions de tonnes de sur-commande finissent aux poubelles chaque année) ou à la date de péremption dépassée. 

Plutôt que de laisser les magasins copieusement arroser d’eau de javel les bennes à ordures pleines d’aliments pseudo périmés pour dissuader d’éventuels  freegans* chasseurs de poubelles, que l’Etat contraigne les grandes surfaces à mettre en place des partenariats avec des associations locales type "Les Restos du Cœur". Ceci permettrait de redistribuer des aliments totalement comestibles aux personnes défavorisées. Il est important de rappeler qu’une tomate au look “photoshopé” contient autant de vitamines que son équivalent cabossé. 

Notons une belle initiative dans certaines boulangeries de l’est de la France où les invendus de la veille sont collectés et mis dans une boutique spéciale à des prix défiants toute concurrence, ou encore la chaîne anglaise fast-food saine "Prêt A Manger" qui distribue tous ses invendus en fin de journée à des associations d’aide aux sans-logis. 

Enfin, orienter les déchets organiques vers des centres de méthanisation (fermentation, biogaz) afin de produire de l’énergie reste une valeur sûre. Sûre mais peu adoptée par les français à cause des risques  d’explosion reportés et des odeurs nauséabondes pour le moment mal maîtrisées (197 unités de méthanisation sur le territoire seulement par rapport aux 3000 présentes dans toute l’Europe).

 

Equipement des nations en voie de développement : 

Quand on sait que le gaspillage commence dans les pays en voie de développement soit environ une perte de 90 % de la production, il devient clair que la chasse au gaspi doit commencer à la source : silos de stockage en matériau pérenne, meilleur protocole d'acheminement des aliments (intégration des délais de douanes, grèves potentielles, etc...), transformation locale des produits de base en produits à conservation prolongée, sensibilisation des populations locales au stockage et à la préservation des ressources.

D’autre part, il devient urgent de mettre en place un fond commun d’information en "réseaux" pour remédier à la perte des expériences réussies, au niveau mondial, dans le domaine du développement agricole des  pays du tiers monde. Cela permettra de capitaliser les savoirs comme le souhaite Philippe Kourelski, Professeur d’immunologie au Collège de France, afin de renforcer les actions dans la lutte contre la malnutrition (visionner son intervention lors des conférences de 2011 sur le site TEDx). 

 

 

Interdiction des pubs sur-photoshopées eugéniques : 

La course en avant des représentations de fruits et de légumes parfaits qui n’existent même pas dans la nature, modifient notre perception de ce à quoi un légume parfait doit ressembler. Nous en venons à modifier notre comportement et n’acceptons plus d’acheter le légume “moche” qui reste sur l’étal du marché en fin de matinée. À l’instar des décisions prises relatives aux photos people, maquillage, etc... En Angleterre ou en Australie (voire en France), il devient essentiel d’indiquer sur les photos à quel point elles ont été manipulées afin de produire la tomate parfaite (ou le people parfait).

 

C’est une évidence : cette chasse au gaspi est l’affaire de tous :

Elle passe par une “reconnexion” avec la nature, une responsabilisation vis-à-vis des générations futures et par l’é-du-ca-tion des tous petits. Comme pour le recyclage, nous pouvons tous agir à notre niveau : individus, collectivités locales, petites et grandes sociétés, gouvernements, et servir de modèle aux autres : mères de familles qui appliquent des principes anti-gaspi à la maison, instituteurs qui en font des sujets d’étude, gouvernements qui passent les lois qui s’imposent et lancent des campagnes au message fort.

 

Pour reprendre un slogan bien connu : Yes, we can. 

  

Et vous, quelle est votre résolution anti-gaspi de l’année ?

 

 

 

 

 

 

*Freegans :

Militants pour la promotion du "gratuivorisme" et d'un nouveau mode de vie, les Freegans sont d'abord des "déchétariens". Ils profitent du gaspillage pour obtenir des denrées gratuites. Les plus engagés d'entre eux veulent démontrer par l'absurde l'ampleur du gaspillage alimentaire. Une phrase de leur mouvement dit : « La solution à la faim dans le monde se trouve dans les poubelles de New York ».

Le partage et la redistribution sont un autre thème chez les freegans. Les magasins gratuits ou à prix réduits sont basés sur le partage entre les gens et le travail de bénévoles. L'idée n'est pas de faire de la charité mais de se coordonner et de s'entraider.

Bien que l'idéologie du freegan soit plus anti-consumériste qu'environnementaliste, les valeurs de la seconde catégorie sont de plus en plus présentes dans leur démarche.

 

 

 

 

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10 janvier 2013 4 10 /01 /janvier /2013 10:11

Formation et sélection des élites

Par Michel Thomas

 

L'élite serait, selon les dictionnaires, l'ensemble des personnes les meilleures, les plus remarquables, d'un groupe, d'une communauté ; ou encore, les personnes qui, par leur valeur propre, occupent le premier rang.

On peut en déduire, et ce serait sans doute l'une des conquêtes de la République, que l'on n'appartient pas à l'élite sans le mériter et que ses membres occupent à juste titre une place en haut de la hiérarchie sociale.

 

A Athènes, au siècle de Périclès, l'idéal humain lie la perfection esthétique à la quête de l'exemplarité citoyenne.

La Rome antique loue le désintéressement de Cincinnatus, mais accorde beaucoup de pouvoirs et de privilèges à la richesse sans scrupule.

A l'époque médiévale la société est dominée par les hommes d'église qui affirment devoir à Dieu leurs pouvoirs.

 

La Renaissance fait survenir, dans le sillage des souverains de droit divin et des hommes d'église une élite intellectuelle et artistique dont les idées, les techniques et les talents sont valorisés, mais l'accès aux savoirs est majoritairement réservé aux classes les plus aisées, ce qui rend extrêmement difficile la promotion sociale. Sauf exceptions – et l'Eglise en connaît – les élites sont issues de la noblesse ou de la haute bourgeoisie.

 

Avec la Révolution et l'instauration de la République, les classes sociales étant abolies et l'accès aux savoirs tendant à se démocratiser, les élites se diversifient, un ascenseur social se met en place.

Stoppée par le Consulat, le 1er Empire, la Restauration puis le second Empire, la méritocratie reprend de la vigueur sous la 3ème et 4ème  république. Roger-Martin-du-Gard, prix Nobel de littérature 1937, évoque « cette aristocratie plébéienne où, dorénavant, se recrutent les élites ».

 

Mais il existe deux sortes d'élites : celles qui se distinguent et celles que l'on « élit ». Dans la première catégorie, les savants, les grands intellectuels, quelques écrivains, certains artistes et de grands managers ; leur sélection est, en quelque sorte, naturelle et leur renommée dépasse souvent le cadre national. Dans la seconde catégorie sont les dirigeants politiques ; ils détiennent des pouvoirs étendus et bénéficient de privilèges considérables, mais, dans nos démocraties, leur carrière dépend de scrutins toujours, en principe, aléatoires.

C'est à la formation et à la sélection de cette catégorie d'élites que nous allons nous intéresser.

Pour traiter ce sujet, un léger retour en arrière est indispensable. Dès 1848 était apparue la nécessité d'une formation spécifique des cadres de la haute administration, mais l'idée d'une école spéciale n'avait pas abouti.

En 1872 fut fondée à Paris, sous l'impulsion d'Emile Boutmy qui en fut le premier directeur, l'Ecole libre des sciences politiques ; autour du fondateur on trouvait des universitaires et de grands industriels. Dans cette école, installée rue Saint-Guillaume, financée par des capitaux privés et qui assurait la préparation aux concours des « grands corps », professaient des universitaires, mais aussi des hommes politiques, des hauts  fonctionnaires et même des industriels qui devaient donner une « éducation libérale » (Boutmy).

Totalement indépendant de l'Université cet établissement dispense un enseignement qui s'adresse « aux classes qui ont une position faite et le loisir de cultiver leur esprit » (Boutmy). Son recrutement s'effectuait exclusivement dans la haute bourgeoisie. Son but était clairement de « former une tête de société rationaliste régnant par la science et peu disposée à laisser périr son privilège au profit d'une foule ignorante » (Renan).

A l'exception des juifs, privés de leurs fonctions par le régime de Vichy, ces cadres supérieurs de l'administration, issus de la filière Sciences-Po, demeurèrent en place sous l'état français de Pétain.

Très rares furent ceux qui rejoignirent la Résistance : ils s'affirmaient des serviteurs de l'Etat, quel  qu'il soit, et, comme le grand patronat et de nombreux intellectuels, ils préféraient Mussolini, puis Franco, puis Hitler, à Blum !

Revenant sur ces événements Marcel Bloch écrivait : « Quelle que » soit la nature du gouvernement, le pays souffre si les instruments du pouvoir sont hostiles à l'esprit même des institutions publiques. A une monarchie il faut un personnel monarchique. Une démocratie tombe en faiblesse, pour le plus grand mal des intérêts communs, si ses hauts fonctionnaires, formés à la mépriser...et issus des classes mêmes dont elle prétend abolir l'empire, ne la servent qu'à contre cœur » (l'étrange défaite, p.192).

L'accusation était grave et aurait pu instruire un procès en responsabilité politique. Mais la situation d'urgence de la Libération évita cette épreuve à l'Ecole libre des sciences politiques ; le gouvernement provisoire et le général de Gaulle ménagèrent la haute administration française et, avec elle », l'Ecole libre.

La nationalisation fut décidée, dans le but avoué de réaliser les convictions énoncées dès avant 1939 sur la nécessaire rationalisation de l 'Etat. Michel Debré souhaitait supprimer les concours particuliers au profit d'un concours et d'une formation uniques mais il assurait que malgré les défauts de l'Ecole, l'Etat lui était redevable de la quasi-totalité de ses meilleurs agents. Donc, « régler ses comptes avec la rue Saint-Guillaume ne pouvait être une solution d'avenir » (Debré. Préface à La politique de la haute fonction publique, de M-C. Kessler. Il fallait nationaliser en conservant ! Et il y avait urgence car la Gauche et la Résistance réclamaient une nationalisation-sanction et l'élection à l' assemblée nationale allait avoir lieu en octobre 1945. Le projet Debré prenait aussi de court le ministère de l'éducation nationale de René Capitant et l'Université.

Les textes sur la réforme de la fonction publique furent ainsi publiés juste avant les élections législatives du 21 octobre 1945 :

-          Création de l'Ecole Nationale d'Administration, conçue comme une école d'application dont la scolarité s'ouvrait par un stage.

-           Création de l'Institut d' Etudes Politiques de Paris, nouvel avatar de l'Ecole Libre, principalement chargé de préparer les candidats au concours d'entrée à l'E.N.A., et formellement rattaché à l'Université.

Quant à l'ancienne « Ecole Libre », elle se perpétuait dans une Fondation à laquelle étaient attribués tous ses biens, ses locaux, sa bibliothèque, son corps enseignant et surtout sa vocation.

Ordonnance du 9 octobre 1945 : « Cet établissement doté de la personnalité civile, dont l'objet est de favoriser le progrès et la diffusion des sciences politique, économique et sociale...doit apporter à l'administration et à l'Université sa collaboration dans l'organisation, d'une part de l'ENA, d'autre part du premier Institut d' Etudes politiques. »

Aux termes de conventions aussitôt signées la Fondation fut chargée d'assurer l'organisation matérielle et la gestion administrative et financière de l'Institut. Elle ne recevait pas seulement le patrimoine de l'ancienne Ecole Libre : une large place était faite, dans sa direction, aux anciens dirigeants de l'Ecole et son président devait être choisi parmi les « représentants des auteurs de libéralités ».

« Entre les anciens propriétaires et la commission Debré, une coalition d'intérêts politiques s'était nouée qui garantissait le maintien d'une majorité conservatrice pour contrôler le recrutement de la haute fonction publique » (Alain Garrigou, Les élites contre la république. Octobre 2001).

Par cette nationalisation en trompe l'œil l'Etat s'engageait à financer une institution privée qui échappait largement à son contrôle et donnait des moyens publics aux anciens dirigeants pour continuer à gérer en toute indépendance leur ancienne école rebaptisée. Dans la course de vitesse engagée à la Libération entre les adversaires politiques, les élites établies avaient pu rétablir, in extremis, une position compromise.

Dans l'assemblée consultative chargée d'examiner la réforme, Guy de Buisson avait dit sa méfiance :

« Si l'on maintient d'une façon ou d'une autre l'Ecole libre des sciences politiques comme institut d'études administratives, la réforme sera inopérante, car l'esprit de l'Ecole se prolongeant risquera d'en compromettre l'ensemble. L'esprit de l' Ecole, qui a ses traditions, ses professeurs, tout son monopole de fait derrière elle, donnerait le ton aux Instituts qui donneraient eux-mêmes le ton à  l'ENA, laquelle le communiquerait à la haute administration. »

Le ton fut, en effet, rapidement donné et l'IEP de Paris put très vite se targuer d'avoir établi un quasi-monopole sur le concours de l'ENA, c'est à dire d'avoir rétabli la filière antérieure de formation des élites, de la noblesse d'état !

 

Pourcentage des diplômés de Sciences Po reçus au concours externe :

1947/51 : 67 %     1959/65 : 85 %     1983/94 : 76 %

 

La part des élèves de Sciences Po dans le recrutement de l'ENA montre à quel point les élèves aux origines sociales élevées ont investi une filière qui est progressivement devenue un des sommets de la consécration scolaire.

On accède à SCIENCES -PO au moyen d' un concours qui comportait, jusqu'en 2012, outre un dossier de candidature, trois épreuves écrites (culture générale, histoire, littérature ou maths ou un sujet sur documents), et une épreuve de langue vivante, curieusement supprimée à compter de 2013, ainsi qu'un entretien de motivation. A l'issue de ces épreuves une partie des étudiants est admise, une autre déclarée admissible. Pour ces derniers il faut encore passer un oral.

En 2010, 525 candidats ont été admis, sur les 4.500 lycéens qui se sont présentés aux épreuves.

La sélection est donc sévère ; la plupart des admissibles ont suivi une préparation intensive dans des établissements privés aussi spécialisés que coûteux.

Il faut cependant noter que, depuis une dizaine d'années l'I.E.P. admet des boursiers et qu'un effort de démocratisation a été réalisé, spécialement en direction d'élèves recrutés dans les ZEP.

Grâce aux conventions éducation prioritaires, lancées en 2001, 860 étudiants, issus de 85 lycées de zones défavorisées ont rejoint la rue St-Guillaume, mais la sociologie de Sciences Po n'a pas été  radicalement modifiée : ils ne représentent que 10 % des effectifs de première année (1300 à 1500).

Dans le même temps le nombre des boursiers est passé de 6 à 27 %, dont de nombreux « boursiers à taux zéro », c'est à dire simplement exemptés des droits d'inscription. Les classes supérieures privilégiées restent ultra-majoritaires, autour de 70 % ; Sciences Po n'a que marginalement renouvelé l'origine sociale de ses étudiants.

L'article dont j'ai extrait ces informations a été publié en 2011 sur le blog le monde-éducation.

Il a fait l'objet, entre autres, du commentaire suivant :

« L'IEP de Paris a pour politique de se placer dans un petit groupe d'institutions (LSE, Harvard...) qui forment les élites transnationales de gouvernement. Pour ce faire, il a adhéré au credo néolibéral… et a entièrement refondu ses cursus et le contenu de sa formation en ce sens. C'est cela la véritable transformation de l'institution, sur fonds publics généreusement alloués par le ministère. A côté de cela, pour s'assurer la pérennité de cette manne qui finance les études de gens qui viennent massivement des milieux les plus aisés...mais il faut faire bonne figure dans  l'hexagone... »

Le procédé n'est pas nouveau : Dans la Russie soviétique le recrutement de l'Académie Dzerjinski, chargée d'instruire les fonctionnaires du KGB, s'effectuait principalement dans les classes privilégiées du régime, mais cette institution devait, chaque année, intégrer quelques hommes du peuple parmi ses effectifs. Un maigre pourcentage afin de pouvoir s'enorgueillir d'égalité sociale.

C'est en France que la logique du recrutement sur la base d'une certification formelle a été poussée le plus loin. L'exception française est triple : importance du diplôme initial, niveau élevé de responsabilité en début de carrière et passage aisé et fréquent du publique au privé, avec pour résultat une formation identique des grands commis de l'état et des cadres supérieurs des entreprises.

De surcroît les élites politiques françaises sont, le plus souvent, issues de la même filière.

Ce système de formation d'une « noblesse d'état », mis en place en 1945, attire de plus en plus de critiques. On lui reproche ses nombreuses rigidités, son aspect trop technocratique, sa distance aux citoyens, son décalage par rapport aux exigences de la modernité politique.

Les enseignements qui donnent accès à cette filière privilégiée n'étant, en fait, ouverts qu'aux classes sociales supérieures, le système paraît peu démocratique et l'on peut se demander s'il n'est pas en réalité, une fausse méritocratie.

Il est d'ailleurs vraisemblable que les quelques chanceux d'origine modeste qui passent par ce moule se retrouvent, à la sortie, parfaitement conformes au reste de la promotion !

Les frais de scolarité sont très importants jusqu'à 9000 €/an (contre 460 à Paris-Dauphine), mais environ 30 % des étudiants ne paient aucun frais.

La Cour des Comptes a examiné la gestion de l'I.E.P. de Paris entre 2005 et 2011 ; son rapport, récemment publié, est extrêmement critique. : Rémunération excessive des cadres et enseignants. Un professeur de faculté a doublé son traitement en 2011 en assurant seulement 60 heures annuelles de cours à l'IEP ; les enseignants-chercheurs n'effectueraient en réalité que 30 % de leur service alors qu'ils sont payés à 100 % ; un étudiant à Sciences-Po coûte en moyenne 3000 € de plus que son homologue de Paris-Dauphine (dont 300 réglés par le Trésor). La Cour dénonce une gestion hasardeuse avec des emprunts « spéculatifs et dangereux ». Elle épingle la complaisance de l'Etat qui n'a exercé aucun contrôle sur la gestion d'une école dont il est le principal pourvoyeur de fonds (63,3 millions d'€ en 2010) .

Les associations d'anciens élèves sont très organisées, très puissantes et très influentes. Elles sont à l'origine des réseaux très actifs et très interventionnistes.

Il semble qu'on puisse conclure que Sciences-Po constitue une filière privilégiée pour une noblesse d'état dont la formation coûte très cher et qui ne risque pas de remettre en cause l'ordre social.

 

L'ECOLE NATIONALE D'ADMINISTRATION (E N A)

Trois concours y donnent accès :

- Externe ouvert aux titulaires d'un diplôme correspondant à Bac. + 3. Notamment celui délivré après trois d'études à Sciences-Po (« undergraduate »).

Cinq épreuves écrites, un oral pour les admissibles (comportant six épreuves) et un entretien avec le jury.

En 2012 : 40 admissibles.

-           Interne ouvert aux agents publics après quatre ans d'expérience professionnelle.

En 2012 : 32 admissibles.

-           Externe spécial, ouvert aux élus locaux et responsables d'associations après huit années de mandat ou d'expérience professionnelle.

En 2012 : 8 admissibles.

Aux concours 2012, il y avait 1.578 inscrits ; 80 candidats ont été définitivement admis, dont 57 hommes et 23 femmes. La sélection est donc sévère, mais une fois les portes strasbourgeoises de l'école franchies, une autre bataille s'engage. L'objectif : sortir dans la « botte », c'est à dire dans les quinze premières places du classement établi à la fin des 27 mois de scolarité. Cette institution, d' où sont sortis trois présidents de la 5eme république, sept premiers ministres et de très nombreux  ministres (4 dans l'actuel gouvernement), est devenue une « machine à classer ». Pour tous, le classement devient une obsession. Discipline de fer et bachotage intensif sont de rigueur. Chaque étape de la formation est validée par une note comptant pour le classement final. Le droit à l'erreur n'existe pas.

Presque toutes les promotions, depuis quarante ans, ont protesté contre les aberrations d'un système qui conduit à déterminer le parcours professionnel de toute une vie à partir d'un seul classement ; en 2001 96 des 103 élèves signent une pétition dénonçant le « gâchis humain », la « médiocrité » de la formation et une « machine à classer » qui « renforce les corporatismes ».

Diplômé en 2011 (promotion Badinter) Olivier Saby (sorti 25ème sur 81) vient de publier « promotion.

Ubu roi, 27 mois sur les bancs de l'ENA » Il nous donne la preuve que cette institution est bien malade, affirmant : « notre génération devrait apprendre à innover. Or l'ENA nous classe sur notre capacité à reproduire sans courage, à imiter, à singer...l'ENA n'est pas cette école de la république qui forme ses meilleurs rejetons...dès le début on ne nous apprend pas à travailler ensemble, mais à   surpasser les autres...une personne sortie dans les premiers ne sera jamais considérée comme inadaptée au poste qu'elle occupe, même si elle ne convient pas du tout...certains intervenants ne connaissent rien du sujet qu'ils viennent nous exposer... » Il évoque « une absence de réflexion pédagogique et de commandement, l'incohérence des instructions, une autocélébration, des frustrations, une infantilisation ».

Le bêtisier que nous présente Olivier Saby mérite le détour et Ubu le dispute à Courteline : on y croise un « conseil en communication » qui vend du vent à 1200 € la journée à la communauté urbaine de Brest. Chargé d'inventer une campagne de promotion, il a « un putain d'avis sur la question » et, au bout de huit mois, il propose de prendre l'océan pour axe de communication ! On y entend la directrice de l'ENA raconter qu'elle a eu un choc quand elle a pris ses fonctions : il lui  fallait partager un chauffeur avec un collègue ; et d'avouer qu'avec le temps elle s'est aperçue qu'on pouvait très bien vivre sans un chauffeur à plein temps. Ou encore cette énarque qui dit, au sujet de l'élection présidentielle : « si on pouvait limiter le droit de vote aux polytechniciens et aux énarques, la France tournerait mieux » !

On a l'impression, à lire Saby, qu'à l'ENA les élèves sont infantilisés, effarouchés, lobotomisés.

De nombreux témoignages, dont celui d'Hervé Gaymard, viennent confirmer ce diagnostic.

La culture développée dans cette institution est basée principalement sur des manuels ; elle ne fait que consolider la formation préalablement reçue. L'enseignement repose sur des études de cas débouchant sur une note de synthèse. L'ENA n'est pas une école du savoir, et certains de ses directeurs le reconnaissent ; ce n'est pas un lieu de culture mais un service de l'administration pour préparer à la fonction publique. Beaucoup d'anciens élèves estiment n'y avoir rien appris. L'ENA  forme des généralistes, elle transmet des méthodes, des langages, des dispositions qui n'ont rien à voir avec l'apprentissage d'un métier précis. Elle génère en outre un esprit de corps dont nous verrons qu'il peut avoir des conséquences désastreuses.

Ce qui rend encore plus singulière cette exception française, c'est le fait que la réforme de 1945 n'introduisait pas de règle d'incompatibilité politique pour les fonctionnaires. Et le service de l'Etat ne constitua bientôt plus, pour une partie importante des nouveaux hauts fonctionnaires, qu'une étape vers d'autres destinées nullement inscrites dans la définition de la nouvelle institution. Les énarques envahirent les cabinets ministériels. Nombre d'entre eux devinrent ministres, spécialement à partir de la création de la Vème république.

Et puis, il semble que l'appartenance à la « noblesse d'état » constitue un titre de légitimité pour l'exercice d'une autorité en dehors de l'Etat. Les membres des classes supérieures investissent donc dans les études pour accéder à la haute fonction publique, puis l'abandonnent souvent pour le secteur privé dans la pratique du pantouflage.

De nombreux sociologues (Pareto- Michels- Lypset) ont noté chez les élites, qui forment dans toute société un groupe minoritaire, une tendance à l'oligarchie : les membres de l'élite se sentent quelque chose en commun qui les distingue des autres citoyens et cela tend à susciter des comportements destinés à entretenir, voire accentuer un sentiment de connivence. Il semble que ce soit notamment vrai en ce qui concerne les diplômés de l'ENA et le Canard Enchaîné du 2 janvier nous en fournit une illustration. Il montre « comment les camarades de classe de François Hollande colonisent l'appareil d'Etat » ; il en recense 11 et en annonce d'autres. Il révèle aussi qu'au sein de l'Association des anciens élèves de l'Ena c'est un ancien de la promotion Voltaire qui est chargé du service « carrières » dont le rôle est ainsi défini : « informer, conseiller, guider les anciens élèves dans la conduite de leur parcours professionnel », mais aussi « aider ceux qui ont à un moment donné, un problème d'orientation ».

Rendant compte du livre du livre d'Olivier Saby, le Nouvel Observateur-Education pose la question : « L'ENA, facteur du déclin français ? ». On est tenté de répondre par l'affirmative lorsqu'on constate l'impuissance, face à la crise économique, de tous ceux dont cette filière élitiste a assuré la promotion.

Ce n'est, en tout cas, nullement une fabrique de grands hommes : depuis Jean Moulin seul Malraux est entré au Panthéon ; or il n'était pas passé par Sciences-Po et l'on est en droit de penser que c'est surtout l'écrivain qui a été honoré.

Il serait intéressant de savoir comment sont sélectionnées les élites, dans d'autres nations ayant un niveau de développement comparable au notre ; faute de temps, je me suis limité à l'Allemagne, à la Grande -Bretagne et aux USA.

L' Allemagne ne possède pas de « grandes écoles » du type français. Son système éducatif est très précocement sélectif. Les élites sont formées sur le terrain. Les politiques allemands sont, en général plus jeunes que leurs homologues français, alors que c'est plutôt l'inverse dans le monde économique.

Il existe un système de bourses assez généreux mais elles sont remboursables au premier emploi.

Les résultats montrent que la sélection est beaucoup plus démocratique en Allemagne qu'en France. (source : Michael Hartman « eliten und Macht in Europe » 2007)

Tableau présentant, en pourcentages comparés, l'origine sociale des élites, en France et en Allemagne.

 

Politiques depuis 1945       Ministres en 2006      Entrepreneuriales

F                       F        D               F        D

Grande bourgeoisie       52,5      5,5                    62,5      12,5               57 ,0     51,7

Bourgeoisie                  27,5      25,7                   12,5      50,0               30,3      33,3

Classe moyenne            15,0      43,8                    0                            0          0

Classe ouvrière             5,0       15,0                    6,2       18,8               12,7      15

 

En Allemagne le passage du secteur politique au secteur économique est exceptionnel.

La Grande-Bretagne possède deux universités d'exception, Oxford et Cambridge qui forment des  élites de grande valeur au moyen d'un système d'éducation à faire envie à tous les étudiants e la planète.

Quant à la sélection pour un « Civil Service » qui fit l'admiration du général de Gaulle, elle s'opère parmi les étudiants justifiant d'un « degree » (licence) au moyen de toute une série de tests psychotechniques (« fast stream »). L'accent est mis sur les compétences intellectuelles et managériales, et non sur le savoir encyclopédique ou l'entregent ; il n'y a pas de dissertation. L'aspect le plus novateur est sans doute le « E-Tray ». Il vise à mesurer les capacités de compréhension, de hiérarchisation des tâches, de bon sens, etc... par la gestion sur ordinateur d'un dossier, en répondant à des Emails.

Dans le « livre noir du libéralisme », paru en 2006, Pierre Larrouturou raconte qu'au cours d'un  entretien avec François Hollande, alors 1er secrétaire du PS, dans son bureau de Solferino, la nécessité d'envoyer une information à un tiers étant apparue, Larrouturou suggère de de faire par Email grâce à l'ordinateur installé sur le bureau. Et Hollande de répondre : impossible, il n'est là que pour le décor et n'est pas branché !

En Angleterre comme en Allemagne les bourses reçues sont remboursables dès le premier emploi.

Les U.S.A. Comptent 790 universités mais seules 5% d'entre elles délivrent des diplômes suffisamment valorisants pour que leurs titulaires fassent partie de l'élite. Les études coûtent très cher et les étudiants d'origine modestes sont incités à s'endetter, souvent très lourdement, pour payer leur scolarité. Avec la raréfaction actuelle des débouchés il devient courant que les diplômés soient obligés d'accepter des emplois mal payés et sans avenir pour faire face à leurs échéances. Globalement leur dette est énorme.

On évoque un chiffre supérieur à un milliard de $ et l'impécuniosité des débiteurs risque de provoquer prochainement une crise grave.

En ce qui concerne la fonction publique on a recours, comme en G-B. À des tests psychotechniques.

L'idéal défini par Condorcet selon lequel l'acquisition du savoir est le moyen principal de hisser l'humanité, et où l'école est, dans cette perspective, le moyen privilégié d'ascension sociale, a été perverti.

Pour Jacques Julliard, cela a fonctionné jusqu'en 1939, mais cela ne fonctionne plus car « l'alliance des hommes de science et des prolétaires s'est brisée ». Il y a captation de l'instruction au bénéfice d'une noblesse d'état qui n'est pas un lieu de promotion sociale.

Reprenons cependant espoir avec Chateaubriand :

« L'aristocratie a trois âges successifs : l'âge de la supériorité, l'âge des privilèges et l'âge des vanités ». « Sortie du premier, elle dégénère dans le second et s'éteint dans le dernier » (mémoires d'outre tombe).

 

Soyons patients.

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7 janvier 2013 1 07 /01 /janvier /2013 15:57

IMG 3073La Laïcité dans un pays à majorité de population musulmane :

l'expérience turque

par Metin Ansen 

Nous remarquons que presque la totalité des pays de Maghreb ont été dirigés par un pouvoir autoritaire dont les tenants s’en passaient des élections libres et voulaient instituer une démocratie forcée, soumise à leurs ordres. L’histoire nous montre que chaque fois qu’un pays est dirigé par un pouvoir autoritaire, imposant ses vues et ses conceptions aussi bien sur le plan de la laïcité que sur la pratique de la démocratie, les aspirations du peuple sont souvent bafouées et celui-ci préfère rester silencieux pour un temps plus ou moins long, de peur d’attirer sur lui la colère de la classe dirigeante qui adopte une politique intransigeante. Cependant, il arrive un moment où nous assistons à l’explosion, au renversement de la situation, la plupart du temps sous forme de révolution ou coup d’état, mais aussi à la suite d’une passation de pouvoir d’un régime autoritaire à un régime démocratique multipartiste, dans lequel le peuple devenu souverain et ses attentes suivent un processus de libération. Dans une société restée pieuse et fondamentalement croyante, malgré la volonté autoritaire de ses dirigeants antérieurs qui voudraient lui imposer par force et dissuasion leurs vues et garder en leurs mains la destinée de leur pays, on voit aussitôt surgir un gouvernement qui prône les valeurs de l’Islam, religion dominante dans cette partie du sud et orientale de la Méditerranée.

Le premier exemple concerne très concrètement les pays du Maghreb tels que la Libye, la Tunisie, l’Egypte, dans une moindre mesure l’Algérie, et bientôt la Syrie si Bachir El Esad est renversé. Le deuxième exemple concerne la Turquie.

De nos jours, le débat sur la laïcité devient une importante question d’actualité dans les sociétés occidentales, suite à la présence de plus en plus effective et aux volontés de s’imposer de plus en plus vigoureuses des minorités se réclamant de l’Islam face aux valeurs et traditions des sociétés occidentales dans lesquelles ces minorités vivent et évoluent. Qu’elle soit due à l’immigration pour des raisons économiques (les Turcs en Allemagne et en Belgique), ou pour des raisons politiques (les Maghrébins en France, les Indonésiens en Hollande, les Sikhs et les Pakistanais en Angleterre), cette présence de confessions autres que la ou les confessions dominantes a fait surgir ce débat dans l’actualité quotidienne. La question de la laïcité avait pourtant été résolue dans la plupart de ces sociétés occidentales et ne donnait lieu à aucune revendication de nature à perturber la paix sociale. La présence de nouvelles minorités confessionnelles dans ces sociétés occidentales, particulièrement musulmanes, et leurs revendications pour faire valoir leur identité spécifique, notamment lors des trois dernières décennies, a changé la donne.

La laïcité militante à la française, basée sur la Loi de Séparation de 1905 entre l’Eglise et l’Etat, est une laïcité de combat contre le clergé. La laïcité française, basée sur la séparation du pouvoir spirituel et du pouvoir temporel, est la conclusion d’une suite d’événements qui ont vu le jour à partir de la Révolution Française de 1789, et qui a transformé la société française depuis le bas jusqu’en haut. A ce titre, nous pouvons affirmer que la laïcité en vigueur en France est la finalité normale d’une évolution dans le temps et dans l’espace. Dans cette lutte ancestrale et permanente, l’autorité politique a fini par se faire l’interprète et l’exécuteur de la volonté populaire.

Cette forme de laïcité est tout le contraire d’une laïcité ayant vu le jour à la suite d’une révolution qui est imposée par l’autorité publique. Cette imposition venant du haut, cette laïcitéIMG 3093 autoritaire dans un milieu musulman se trouvera toujours en opposition avec la volonté de la masse populaire.

Ceci est la forme de laïcité que nous connaissons en Turquie.

A ce titre, il serait intéressant de citer une définition de la laïcité telle qu’elle a été formulée par le Tribunal Constitutionnel Turc, suite à un jugement concernant l’admission ou le refus des étudiantes portant le foulard dans les universités. Le jugement en question définit ainsi la laïcité : La laïcité est un mode de vie qui se propose de démolir le dogmatisme du Moyen Age, et de le remplacer par l’éclairage des connaissances, par le concept de liberté et de démocratie qui prend sa source dans la lumière de la science positive, concept dans lequel l’indépendance, la souveraineté nationale et l’idéale humaniste, fondement d’une conception de pays civilisé et vivant avec les exigences de son temps, constituent l’essentiel.

Cette définition met l’accent sur les valeurs de la Turquie moderne, face à la remontée de l’islamisme. C‘est également une définition qui défend les valeurs républicaines turques. Sans considération d’aucune référence religieuse, c’est une définition qui remplit une des missions de la laïcité, celle de freiner les forces intégristes qui vont toujours à contresens du progrès.

Une autre ébauche de définition de la laïcité est une interprétation autoritaire. La laïcité est définie comme étant une conception militante qui cantonne la religion et tout ce qui est religieux dans son espace propre à la religion. C’est la définition de la laïcité dans un état qui veut contrôler la religion.

Une autre conception de la laïcité met plus en valeur l’existence pacifique sans exclusive de toutes les religions dans un milieu donné, de façon à ce que toutes les croyances puissent exister et s’exprimer librement, sans la prédominance ou la primauté d’une quelconque religion.

Ceci est une considération de la laïcité qui conviendrait à la laïcité à l’anglaise, mais pas à la laïcité à l’allemande ni à l’italienne où l’Etat refuse d’enlever le crucifix dans les établissements scolaires publiques.

Une autre définition de la laïcité, que je dirais plus universaliste, impose l’existence d’un état « neutre et arbitre » face à la présence d’une diversité de religions et de croyances sur son territoire, tout en dotant l’Etat des moyens adéquats pour pouvoir accomplir son devoir de neutralité face à cette pluralité de croyances. L’Etat doit en même temps se charger d’une mission de protecteur des droits religieux de toutes les entités, aussi bien que chacun de ses citoyens.

Tout au long de son histoire, l’Islam a connu quelques velléités de réformes, mais toutes ces intentions ont fondu sous l’influence importante de l’aile arabisante de la religion qui refusait toute modification des paroles de Dieu qui avaient été exprimées en arabe.

Dans cette perspective, nous pouvons avancer que la laïcité, qui exige une séparation du pouvoir spirituel et du pouvoir temporel, et l’Islam, qui veut s’approprier de tout pouvoir et qui veut affirmer son existence par tous les moyens, ainsi que son autorité dans chaque domaine public ou  privé, sont incompatibles.

Cependant, il serait juste d’énoncer qu’aucune religion ne défend, ni n’est partisane de la laïcité. Ce que nous constatons en revanche, c’est que les autres religions représentées dans les sociétés occidentales sont arrivées à accepter une sorte d’entente plus ou moins significative avec l’autorité publique, de façon à permettre l’existence d’une paix sociale, alors que l’Islam refuse systématiquement la laïcité. De cette affirmation ressort une conclusion à double tranchant : l’Islam refuse la laïcité, et que ceux qui veulent qu’il soit à même d’accepter ou d’adopter une sorte de libéralisme laïque sont les milieux occidentaux , en particulier français, qui forment le dessein d’aligner l’Islam sur les traditions en vigueur chez eux, et « qui se proposent de positionner l’Islam par rapport à la grille d’analyse que l’on a tracé pour eux, sans s’interroger sur le sens de leurs pratiques et de leurs choix identitaires. (Olivier Roy, La Laïcité face à l’Islam, Editions Stock) (Exemple : Conseil Français de Culte Musulman)

Il s’ensuit que si l’islam s’aligne sur la laïcité, cela ne peut se faire que par une démarche politique et non par une réforme théologique. Il y a en Occident autant d’Islams que de minorités se réclamant de l’Islam. Les musulmans Turcs refusent de se mettre sous la dépendance des musulmans Maghrébins. Ils ont même leurs mosquées qui leur sont propres. Face à l’hétérogénéité de l’Islam, chaque communauté a ses propres valeurs et aucune d’elles ne désire être représentée sous l’autorité d’une autre.

La Turquie est un cas intéressant et typique de l’application de la laïcité dans un pays dont la population est majoritairement musulmane. Un cas intéressant, car c’est le seul exemple de laïcité au monde existant dans un pays musulman à régime parlementaire. La laïcité prend place dans le préambule de sa Constitution. Toutes les autres velléités de laïcité existant ou ayant existé dans les pays musulmans ne survivent ou n’ont survécu que dans les régimes dictatoriaux.

La Laïcité en Turquie est entrée en vigueur avec sa mention en tant que telle dans le Préambule de sa Constitution datant de 1924 : La Turquie est un état de droit, démocratique, laïque et social.

Il est intéressant de se pencher sur le livre d’histoire officiel, édité par l’Etat en 1924 pour l’enseignement de l’Histoire dans les écoles. On y lit : « L’univers et les créatures qui peuplent la terre ne sont pas le résultat d’une volonté créatrice surnaturelle, mais le résultat des lois naturelles qui régissent l’univers. Ce n’est pas Dieu qui a créé les hommes, mais l’homme qui a créé Dieu. Dans l’Egypte Antique et chez les Hébreux, lors du passage d’une société clanique et d’une autorité plurielle à un mode de vie ne reconnaissant qu’une seule autorité, le concept pluridimensionnel de l’idée de Dieu a été réduit en un concept unidimensionnel. Par conséquent, inciter les peuples incultes et naïfs à croire en l’existence de nombreux dieux, ainsi que réduire ces nombreux dieux en un seul dieu est le résultat d’un acte politique. »

Je vous rappelle que ce texte date de 1924, et qu’il s’intègre au contexte d’un pays qui, à l’époque, était fortement imprégné de l’islam pieux. Il fallait un sacré courage et une autorité importante pour éditer le passage en question dans un manuel scolaire de cette époque.

Et voilà le dilemme de la laïcité en Turquie : Courage et autorité.

La laïcité ainsi imposée par en haut était une laïcité qui visait surtout l’affaiblissement de la croyance et de la pratique religieuse, tout en voulant mettre sous contrôle le clergé.

La pratique d’une telle démarche ne pouvait être acceptée par toute la masse populaire, dont une grande majorité était croyante, rurale et inculte. Par conséquent, cette démarche n’était défendue et soutenue que par l’armée au service de l’Etat par définition, ainsi que par la bureaucratie étatique et les élites intellectuelles de la société qui utilisaient un langage rationaliste.

Après la mort d’Atatürk, fondateur de la Turquie moderne, la restauration d’un régime démocratique multipartiste à partir de l’an 1950 a signifié la fin de la laïcité militante.

La première activité du nouveau pouvoir issu des élections libres en 1950, a été d’autoriser les appels à la prière en arabe, à la place des appels en turcs pratiqués jusque là. L’ironie du sort, le parti fondé par Atatürk, farouche défenseur de la laïcité militante et des appels à la prière en turc, voyant sa base le quitter pour le nouveau gouvernement issu des élections libres, s’est vu obligé de voter en faveur de cette mesure. Plus tard, le pouvoir en place a recouru à l’instauration des écoles confessionnelles, très fortement subventionnées par l’Etat. Les diplômés de ces écoles confessionnelles ont peu à peu commencé à occuper des postes de responsabilité dans la bureaucratie de l’Etat. Nous avons ainsi été témoins du passage d’une bureaucratie qui défendait la laïcité à une bureaucratie qui défend des idées religieuses. Et un beau jour, nous avons assisté en Turquie de nos jours à l’élection au poste de premier ministre d’un diplômé de l’une de ces écoles religieuses, un personnage intelligent et charismatique malgré tout, qui sert aussi de référence aux mouvements de libération des pays du Maghreb du joug de leurs dictateurs.

Le pouvoir politique issu des élections démocratiques de l’époque en Turquie justifiait l’enseignement religieux dans les écoles et la mise en place des écoles coraniques par l’explication qui affirmait que la grande masse de la population restait croyante et pratiquante. Dans ce contexte, et dans l’absence d’une éducation religieuse officielle, l’Etat laïque défendait le point de vue que  d’autres autorités non officielles prendraient le relais pour enseigner n’importe quoi.

L’intention n’était peut-être pas blâmable en soi, mais avec le temps nous avons assisté à un changement de place. La croyance et la pratique religieuse qui occupaient la sphère privée ont fini par quitter cette sphère pour prendre place dans la sphère publique, avec un discours politique, sans empêcher pour autant les autorités non officielles de prendre le relais de l’enseignement de la religion prôné par le pouvoir publique.

Cette situation est celle qui se met en place actuellement en Egypte.

Le pouvoir issu des élections libres en 1950 a privilégié l’industrialisation du pays avec un concept  d’économie libérale, à la place du système dirigiste en vigueur au temps des fondateurs de la République. Nous avons ainsi assisté à l’immigration d’une couche quantitativement très importante de la société rurale, croyante et pratiquante. Ces nouvelles populations d’immigrés dans les grands centres urbains ont été le foyer de la propagation des idées religieuses dans leur nouvel environnement. Elles ont également attiré la sympathie des partis politiques qui les ont considérées comme un creuset de bulletins de vote et les politiciens de tous les partis ont systématiquement modifié leurs discours politiques pour leur être agréables, souvent aux dépens de la laïcité. Alors que l’utilisation de la religion était interdite dans la propagande et le discours politiques avant l’avènement de la démocratie multipartiste, les politiciens ont réussi à outrepasser cette interdiction pour en parler abondamment. Les populations d’immigrés ont été par ailleurs manipulées et modelées par les milieux religieux souvent intégristes qui y ont trouvé un terrain vierge pour gagner les adeptes à leurs idéologies. Les capitaux iraniens et saoudiens qui ont fait leur entrée pour faciliter cette nouvelle formation religieuse leur ont été d’un secours important. La laïcité en a pâti.

La deuxième et la troisième génération de ces immigrés, tout en défendant leurs revendications et leurs identités religieuses, ont commencé à fréquenter les écoles et les universités. Elles ont réclamé le port du foulard, exigé la pratique de leur croyance durant le cursus scolaire ou universitaire, l’interruption des cours à l’heure de la prière, la séparation par sexe des lieux pour certaines activités scolaires, comme les cours de gymnastique ou de natation à la piscine, ainsi que pour certaines autres activités de la vie courante comme des plages, des terrains de sport ou des salles de réunion séparés.

L’émancipation féminine a amené une classe féminine instruite et croyante, exerçant des professions libérales, des avocates, des médecins, des ingénieurs, des architectes qui refusent d’ôter leur foulard, mais bien maquillées cependant. Leurs exigences d’être acceptées avec leur foulard ont donné lieu à des procès qui ont statué tantôt en faveur de l’une de ces parties, tantôt en faveur de l’autre.

La laïcité, considérée par les islamistes comme une série d’interdictions contraignantes pour pratiquer librement leur croyance religieuse tout en respectant les exigences de cette croyance, comme le port des signes ostensibles, est directement visée par cette couche croyante et revendicative de la population. La laïcité est perçue comme étant un obstacle à leur émancipation et à leur éducation. Il est significatif que ce langage soit exactement celui tenu par les islamistes radicaux dans les pays occidentaux.

La situation de la laïcité en Turquie, et par voie de corollaire dans les pays musulmans du Maghreb, engendre certains constats.

Le premier constat est la prise en considération de l’effort déployé par les milieux islamistes pour occuper le terrain sur le plan politique. Pour y réussir, ils essayent de contingenter la religion et sa pratique non plus dans la sphère privée, mais dans la sphère publique, en s’efforçant de pousser les adeptes de la laïcité dans la sphère privée. Ce qui se passe actuellement en Egypte est un exemple frappant. Il est à préciser que la sphère publique est une sphère de pouvoir. Ainsi, les adeptes de la laïcité, par la force de poussée des islamistes les confinant dans la sphère privée, se trouvent privés de la sphère du pouvoir. Pour faire valoir leurs identités religieuses, les islamistes essayent d’occuper le centre du terrain et non plus la périphérie. Ils essayent de constituer une force politique et une force de pouvoir parce que la seule façon de défendre leurs idées sur le terrain public est de politiser leurs revendications.

Le deuxième constat est susceptible d’en choquer plus d’un.

Au début de ce sujet sur le cas de la laïcité en Turquie, j’ai évoqué un dilemme : le courage et l’autorité. Le dilemme est de savoir si le courage et l’autorité sont l’apanage d’un régime démocratique concernant le respect de la laïcité dans un pays dont la population est majoritairement musulmane, croyante et pratiquante. Autrement dit, dans un pays majoritairement et foncièrement musulman, est-ce que la démocratie et la laïcité vont de pair ?

Personnellement, je n’ai pas encore trouvé la réponse.

Nous remarquons en effet que chaque fois qu’une intention de laïcité, si minime soit-elle, existe dans un pays dont la population est majoritairement musulmane (l’Algérie, la Tunisie, l’Egypte, la Syrie), celui-ci est dirigé d’une façon autoritaire ou dictatoriale. En Turquie, les moments forts de la laïcité ont correspondu au règne autoritaire de son fondateur et du parti créé par lui.  Une fois que ce règne autoritaire a été remplacé par un régime parlementaire multipartiste, la laïcité a commencé à être fragilisée ou rognée, les partis politiques faisant des concessions de plus en plus concrètes sur le plan de la laïcité pour pouvoir attirer le vote de la majorité des électeurs. La laïcité est d’abord un corps de lois avant d’être un système de pensée.

L’armée était traditionnellement le défenseur de la laïcité en Turquie. A ce titre, elle a recouru par le passé à quelques renversements de gouvernement dont elle estimait qu’ils ne respectaient pas la laïcité. Connaissant la sensibilité de l’armée sur ce chapitre, le gouvernement actuel en Turquie l’a affaiblie par divers procédés. Cette façon de faire est celle adoptée par le régime au pouvoir en Egypte également. Je suis d’avis pour affirmer qu’une démocratie n’est pas viable avec une armée qui se considère comme étant son garant. Dans un système démocratique, pour garantir la survie de la laïcité, il faut que la majorité du  peuple soit convaincue de sa nécessité.  Le seul remède pour y parvenir est un système d’enseignement et d’éducation culturel qui prône les valeurs laïques, en confinant les croyances religieuses à la sphère privée.

La laïcité en Occident a gagné de l’importance dans le discours quotidien ou politique des citoyens dès l’arrivée d’une population importante pratiquant une religion autre que la ou les religions dominantes du pays d’accueil. Comme la majorité de ces nouveaux arrivants étaient de confession musulmane, les rapports de la laïcité avec l’islam ont dépassé le cadre des discussions habituelles sur la laïcité.

Les immigrés musulmans étaient plus ou moins silencieux jusqu’aux années 1970. Jusqu’à cette date, les autres s’exprimaient à leur place et la question de laïcité les concernant ne posait pas de problèmes graves. Ils étaient d’ailleurs habitués à ce que les autres parlent à leur place quand ils habitaient dans les pays colonisés par une force occupante qui les tenait sous contrôle.

A partir des années 1970, la minorité musulmane a commencé à parler, à revendiquer, à vouloir faire valoir son identité religieuse différente.

Plusieurs raisons expliquent ce phénomène.

La première est l’atteinte du seuil de tolérance.

Dans le cas de plusieurs pays occidentaux, ce seuil de tolérance concernant les immigrés musulmans a été atteint à partir des années 70.  A partir de cette date, les mouvements de rejet réciproque basés sur l’action et la réaction ont commencé à apparaître, chaque partie faisant un effort particulier pour faire valoir son identité différente. Ce mouvement a créé des partis politiques extrémistes dans la plupart des pays. Une politique d’intégration concrète et valable ayant souvent fait défaut, ces mouvements de rejet réciproque ont commencé à prendre de l’ampleur.

A partir des années marquant la décolonisation des pays du Maghreb, les musulmans qui formaient la population autochtone de ces états nouvellement décolonisés et indépendants, tenus à l’écart pendant des décennies par la force occupante, ont eu l’exigence bien compréhensible de profiter de leur indépendance et de mettre ainsi en avant leur identité culturelle différente, occultée par l’occupant. Les anciens occupants n’étaient pas prêts à considérer à bon escient ces différences de culture et leur extériorisation. Ceci a donné lieu à des manifestations systématiques d’intolérance réciproques, particulièrement sur le plan religieux.

Les pays occidentaux accueillant chez eux les immigrés musulmans tenaient à vivre selon leurs traditions et cultures religieuses habituelles, sans être prêts, ni mentalement ni matériellement, à concevoir une autre forme de religiosité chez eux.

L’immigrant a tendance à se sentir déraciné et isolé. Il est très vulnérable et il cherche à affirmer une identité qui lui est propre. Les milieux religieux sur place sont conscients de ce fait et manipulent à leur avantage la personnalité de l’immigrant pour la doter d’une nouvelle identité servant leur cause. Ils l’invitent à participer aux réunions des sectes où l’existence d’une sorte de chaleur fraternelle exerce son effet.

Faute d’une compréhension réciproque, et face à une volonté de défense de plus en plus concrète de l’identité islamiste, le problème de la laïcité continuera à être un élément majeur de l’établissement et de la conservation de la paix sociale dans les pays occidentaux.

Nous devons attirer l’attention sur le constat selon lequel l’espace public n’est pas réservé à une catégorie de personnes vivant dans un milieu donné. L’espace public est appelé à contenir toutes les minorités vivant dans cet espace. Une velléité de vouloir tenir en dehors de cet espace public une minorité de citoyens, du fait de sa différence culturelle et religieuse, suscitera impérativement, à court ou à long terme, des problèmes d’intégration, ayant comme conséquence de renforcer les radicaux écartés de l’espace public. Ceci finira par politiser non seulement la laïcité, mais aussi bien l’Islam. L’opposition de ces deux entités politisées, basée sur une ignorance réciproque et l’exclusion de l’autre, est susceptible de créer des crises insurmontables. Ce n’est pas en contingentant la laïcité et l’Islam dans des sphères différentes qu’on pourra résoudre les crises éventuelles, mais en essayant au contraire de créer un consensus et de trouver les formules qui permettraient de vivre en harmonie dans une communauté dont chacun des acteurs s’épanouirait en respectant l’autre.

Ceci est exactement le langage tenu par les défenseurs de la laïcité en Egypte, face au pouvoir islamiste de nos jours.

C’est également, je pense, le prix à payer pour que l’harmonie règne dans une société, aussi bien dans les pays musulmans que dans les pays occidentaux, où malheureusement trop d’exclusivités apparaissent.          

 

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24 décembre 2012 1 24 /12 /décembre /2012 16:34

 

Chers Amis du Cercle Condorcet,

 

Au nom du Bureau et du Conseil d'Administration du Cercle Condorcet, et en mon nom personnel, je vous adresse, à vous, à vos proches, à tous ceux qui vous sont chers,  mes meilleurs vœux pour l' année 2013.

 

Je souhaite pour notre association des réunions thématiques aux débats animés, courtois et enrichissants,  des conférences de haut niveau et de  toujours  maintenir l'esprit des Lumières.

 

Le Président

Albert Grégoire

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8 décembre 2012 6 08 /12 /décembre /2012 13:45

CITOYENNETÉ, DÉMOCRATIE, ÉTAT-NATION

par Albert GREGOIRE

 

(exposé sur base d'un dossier paru dans  la revue « Bruxelles Laïque - Echos » n° 73)

 

AVERTISSEMENT

 

L'exposé a pour but de provoquer la discussion.

Cela signifie que l'auteur n'est pas forcément en accord  avec le contenu de la revue « Bruxelles Laïque » sur tous les points présentés. 

 

Le concept de  « Citoyenneté »  se rapporte aux membres d'une communauté politique et, comme l'a écrit Hannah Arendt,  à ceux qui ont « le droit d'avoir des droits ».

 

Citoyenneté et démocratie sont étroitement liées à l’État-nation, c'est-à-dire, à l’État d'une part, et à la Nation, d'autre part.

 

Dans le modèle d'organisation politique et sociale qui s'est généralisé en Occident  dans le courant du XIX ème siècle,  le pouvoir de l'État émane de la nation, c'est-à-dire, des citoyens ; ce pouvoir s'exerce sur eux et se veut le garant de leurs droits.

En d'autres termes, la souveraineté et le pouvoir étatiques sont légitimés démocratiquement par la Nation. L' État reconnaît et protège les droits des citoyens.

 

Aujourd'hui, les circonstances qui ont déterminé ce modèle ont changé et le contexte historique n'est plus le même. On est alors en droit de se poser certaines questions :

 

·         L’ État est-il toujours l’État ?

·         La Nation est-elle toujours la Nation ?

·         Qui sont les citoyens  d'aujourd'hui ?

·         Le concept de citoyenneté a-t-il encore un sens ?

 

Aux yeux de beaucoup de citoyens, l'État traverse une crise de souveraineté  dans la mesure où de plus en plus de compétences lui échappent. Les grands enjeux et défis actuels et à venir, tels que le réchauffement climatique et la crise financière, sans parler de la lutte contre les trafics de drogues, d'armes et d'êtres humains, l'antiterrorisme, etc... exigent des réponses bien plus globales que ce que peut proposer un État seul. Les nuages radioactifs, les tsunamis, les ouragans ne connaissent pas les frontières ; le marché, les capitaux, les ordres de bourse ne s'arrêtent pas aux limites d'un pays.

 

Dans bien des domaines, l'État tout-puissant se voit concurrencé et détrôné par des institutions internationales (ONU, FMI, OMC, …), par des grandes firmes multinationales, dont le chiffre d'affaires dépasse le PNB de bien des pays, ou par des ONG à vocation internationale. En Europe, l'influence des directives et règlements de l'Union  sur les législations nationales va croissante. Dans les relations internationales, ou économiques, certaines grandes métropoles acquièrent plus de pouvoir que les États. Dans de nombreux pays, l'autonomie et les compétences des régions, départements ou localités ne cessent d'augmenter.

 

L’effritement de la souveraineté étatique provient aussi bien du supra que de l'infra national.

 

D'autres causes, et non des moindres, concourent à affaiblir la souveraineté des États : il s'agit du  « Tout à l'économique » et de la vulgate néolibérale.

 

Certains s'étonnent et constatent, (je cite) « que ce n'est plus le politique qui contrôle, oriente et régule l'économie en fonction des besoins de la population mais l'économie qui domine, instrumentalise et dépouille l'État pour faire fructifier les dividendes des actionnaires et une bulle spéculative de plus en plus irréelle ».

 

Mais n'en a-t-il pas toujours été ainsi ? Marx disait déjà « qu'en dernière instance, c'est l'économie qui prime ! ». C'est vrai qu'au XIX ème siècle et jusqu'à la deuxième guerre mondiale, les « Capitaines d'Industrie », comme on les désignait alors, faisaient preuve d'un certain paternalisme à l'égard de leurs ouvriers, même si, par nature et par logique, le capitalisme n'a jamais produit pour satisfaire les besoins de la population, mais a toujours produit pour vendre, c'est-à-dire pour le marché.

 

Pendant des décennies, les partis politiques de gauche et les syndicats ont mené des luttes acharnées, souvent violentes, contre la bourgeoisie et ont obtenu une amélioration progressive de la situation de la classe ouvrière. On parvenait à cette époque à faire plier l’État capitaliste et à inscrire dans les textes les mesures de justice sociale.

 

Mais aujourd'hui, qu'en est-il ?

 

La plupart des gouvernements sont acquis à l'idée de la fatale dérégulation économique : en conséquence, l'État n'a plus à intervenir dans ce domaine, il doit laisser faire le marché qui s'équilibrera spontanément. En fait, ces gouvernements prennent comme prétexte à l'immobilisme ce dogme de « la main invisible » pour, eux-mêmes, se dédouaner de leur incapacité, voire de leur incompétence, à réguler, à défaut de diriger, l'économie mondiale. Car les États sont encore fort présents comme acteurs économiques, tant dans le secteur marchand que non-marchand . Les chiffres de l'INSE pour la France sont éloquents : Fin 2010, l'État contrôle plus de 1 200 sociétés en France, qui emploient 791 900 salariés. Par rapport à 2009, le nombre de sociétés contrôlées par l'État progresse fortement de 270 unités, tandis que l'emploi dans les sociétés contrôlées par l'État augmente très légèrement (+ 0,3 %).

 

On peut supposer qu'il en est de même dans les autres pays, surtout ceux dits émergents (Chine, Inde, Brésil) ou ceux membres de l' OPEP où l’État dictatorial est omniprésent, exception faite des États démocratiques occidentaux (États-Unis, Royaume-Uni, Norvège).

 

De plus, au nom des mêmes exigences néolibérales, nombre d'entreprises nationales et  des services publics sont privatisés. Le mot d'ordre généralisé est : toutes les dépenses sociales doivent être réduites ou confiées à l'initiative privée ou encore conditionnées à des critères de rentabilité. L’ État social cède de plus en plus la place à un État surveillant et répressif, ou simplement sécuritaire. Le professeur Etienne Balibar appelle cela  le syndrome de « l'impuissance du Tout-puissant ». Ainsi, lorsque l'État n'est plus ou ne se considère plus à même d'affirmer sa toute puissance en matière de politique économique et sociale,, il concentre sa fermeté sur des individus  vulnérables et marginalisés tels les chômeurs, les précaires,  les contestataires, …

 

Cette doxa néolibérale et sécuritaire se propage aussi via ceux qui s'autoproclament ou qu'on désigne comme experts , spécialistes, technocrates. Sous prétexte que leur savoir est technique et non politique, il a été décidé (par qui ? par quoi?) qu'ils détenaient la vérité à laquelle la plupart des politiques doivent se soumettre.

 

Selon les sources du philosophe américain Noam Chomsky, la Banque Mondiale prône, au sujet de ces experts, l'isolement technocratique. Il écrit ceci : « ...une bande de technocrates, essentiellement des employés des grandes multinationales, doivent travailler quelque part, « isolés » de la population, à l'élaboration de toutes les politiques parce que si la population générale participait au processus, elle pourrait avoir de mauvaises idées ».

 

Ce n'est donc plus la volonté générale ou citoyenne mais le savoir des spécialistes qui constitue la référence démocratique. La volonté citoyenne a, du reste, été remplacée par « l'opinion publique » que d'autres experts sont chargés de sonder quand ce n'est pas de façonner. Contrairement aux citoyens qu'on peut inviter au débat et qui sont capables de s'informer et de réfléchir, l'opinion publique n'est pas un sujet, mais un objet. Elle ne s'exprime pas, on la mesure. Elle ne pense pas, elle s'émeut. Le comble si je puis dire est que les responsables politiques se montrent de plus en plus sensibles à cette émotion de l'opinion publique. Le bon peuple attend des réponses immédiates. Et pour l'homme politique, réagir  dans l'immédiateté est un gage de succès électoraux. Dès que le moindre fait divers sordide est médiatisé, le politique se doit de prendre position instantanément face à l'émoi public. Il doit décréter, dans l'urgence et sans la moindre analyse, des réformes dont les conséquences seront bien plus graves, démocratiquement, que l'évènement qui les a déclenchées.

 

C'est ce que certains commentateurs appellent « l'émocratie ». 

 

Aujourd'hui, alors que les marges de manœuvres des politiques étatiques se réduisent, que  la soumission aux dogmes néolibéraux et sécuritaires est quasi générale, les partis politiques se différencient de moins en moins les uns des autres. Ils ne sont plus en mesure de s'opposer sur les grandes orientations politiques et économiques ou sur un projet global de société. Seules font encore débat les petites nuances, les questions secondaires dites sociétales, culturelles ou éthiques. Ces questions ne sont pas négligeables ; elles ont leur importance pour bon nombre d'individus. Seulement les réponses qu'on y apporte ne modifient en rien les structures profondes de la société. En conséquence,  le clivage gauche-droite se rétrécit comme une peau de chagrin. Les gouvernements se succèdent et rien ne change. Sociaux-démocrates et néo-libéraux, embarqués dans la même galère, sont poussés par des vents contraires. Tels des « Alice au pays des horreurs », ils cherchent désespérément à s'en sortir, à moindre mal.

 

Tout ceci perturbe les repères des citoyens. Dans le meilleur des cas, ils se désintéressent de la politique partisane et désertent leur rôle d'électeur au profit de l'engagement associatif ou de nouvelles formes d'actions collectives et individuelles. La majorité silencieuse, se laisse gagner par le fatalisme et le nihilisme, ne se préoccupant plus que de sa propre survie ou de son confort personnel. Dans le pire des cas, les gens cèdent au chant des sirènes populistes qui surfent sur cette perte de repères (« Tous les mêmes, tous pourris »), sur la précarisation économique et sur la surenchère sécuritaire avec son lot de boucs émissaires pour proposer des solutions radicales qui ne feront qu’aggraver la situation de départ.

 

Les partis politiques mobilisent de moins en moins de militants. Leur approche des « masses » ne vise plus le recrutement de membres, l'éducation populaire et la création de structures de sociabilité. Elle s'investit dans des opérations publicitaires, autour de photos plus que d'idées,  orientées vers la récolte du plus grand nombre de voix.

 

Ceci s'explique aussi par une remise en question de l'organisation partisane, de la hiérarchie, de la bureaucratie, du dévouement voire du sacerdoce du militant. Le sociologue Luc Boltanski et l’économiste Eve Chiapello, parmi d'autres, ont montré dans « Le nouvel esprit du capitalisme »  comment le capitalisme est en train de tourner la page du fordisme au profit d'une organisation en réseaux, génératrice pour certains d'une plus grande liberté au travail, pour d'autres, d'une plus grande précarité, et pour tous d'un asservissement accru à l'entreprise. Ces nouvelles formes d'organisation du travail  ont brisé brutalement les formes classiques d'organisation politique, pour ériger l'individualisme, la lutte de chacun contre tous, l'aliénation professionnelle et consumériste contre les mobilisations collectives .

 

La Nation perd elle aussi, de plus en plus son sens et son pouvoir de mobilisation. Une multitude de dimensions identitaires et d'allégeances personnelles, culturelles, religieuses, philosophiques, ethniques ou politiques priment désormais sur l'appartenance nationale. Nos sociétés sont désormais multiculturelles et des droits ont d'ailleurs étaient reconnus progressivement aux non nationaux, étrangers installés depuis un certain temps avec des titres de séjours en règle. Les étrangers, même sans papiers, prennent part à la vie de la cité, luttent pour obtenir des droits et se considèrent comme des citoyens quand bien même l'État ne les reconnaît pas comme tels.

 

De manière générale, en raison de la perte de crédibilité des pouvoirs politiques nationaux, on en vient de plus en plus à évoquer la nécessité de repenser la citoyenneté et la politique et d'inventer de nouvelles formes d'engagement. Cela implique en toute logique de se défaire des cadres de référence anciens et actuels pour dessiner un nouveau paysage et de nouvelles pratiques.

 

L'évolution des droits, l'invention des droits de l'homme, leur élargissement à une conception plus vaste de la citoyenneté ont toujours été la résultante des évolutions économiques et politiques , du temps et des luttes des classes.

 

Ainsi, l’élargissement des droits politiques aux droits sociaux a répondu clairement à la généralisation de la révolution industrielle et du mouvement ouvrier qui s'est constitué à l'époque. On est en droit de se demander aujourd'hui s'il n'est pas temps d'inventer une nouvelle conception de la citoyenneté, des droits, de leur définition mais aussi de la manière, du cadre et des instances dans lesquels ils sont garantis. Cette nouvelle conception devrait tenir compte des évolutions récentes telles la mondialisation, le « post-fordisme », la perte de pouvoir de l'État et l’obsolescence de la nation.

 

Partant du fait que l'appartenance nationale ne représente plus ni l'élément identitaire le plus important dans la représentation de soi, ni le lien fondateur de solidarité le plus objectif ou pertinent, certains auteurs ont réfléchi à des conceptions d'une citoyenneté multiculturelle qui prennent en compte les identités ambigües ou les identifications multiples.

 

Citons le pluralisme culturel libéral du canadien Wil Kymlicka, la politique des différences de Ch. Taylor  qui insiste sur le rôle primordial que joue l’appartenance communautaire dans la formation des identités individuelle et collective, le patriotisme constitutionnel de Jürgen Habermas, etc...

 

Toutes ces théories restent inscrites dans le cadre étatique, seule instance habilitée à reconnaître des droits éventuels aux minorités et aux différentes cultures. Pour aller plus loin, certains estiment qu'il faudrait envisager des formes de citoyennetés indépendantes du cadre étatique. Il serait question en quelque sorte de rendre les droits universels réellement universels, c'est-à-dire, valables pour tout le monde, en tous lieux et de tout temps, indépendamment de l'État qui les garantit.

 

Quelques avancées existent en ce sens :

 

·         Mark Kingwell situe la citoyenneté dans l'engagement dans l'action sociale plutôt que dans l'appartenance nationale. Ce serait  l'acte et non le passeport qui définirait le citoyen. 

·         Fred Constant, professeur de science politique,  estime que  la citoyenneté relève de l'effort personnel consenti par l'individu  dans son acceptation du « vivre ensemble » sans qu'il se reconnaisse nécessairement dans les frontières de son lieu de naissance.

·         Bertrand Badie parle d'une communauté politique de référence pour la citoyenneté dont l'ordre spatial serait fait de mobilité et non de territoires.

·         D'autres théories avancent enfin  l'idée d'une société civile mondiale dans laquelle les droits seraient universels.


Ces auteurs ne sont pas que des théoriciens qui réfléchissent enfermés dans leur bureau. Ce sont des hommes d'action qui tentent de mettre en forme de nouvelles revendications et de nouvelles pratiques sensées dessiner la citoyenneté de demain. Il s'agit de ces expériences  et de ces combats des altermondialistes, des sans-papiers, des squatteurs, des campements « d'Indignés », ...articulés aux luttes plus anciennes et toujours pas abouties.

 

Ces auteurs estiment que la citoyenneté et la démocratie constituent un processus en permanente évolution, en permanente remise en question et en permanente extension.

 

Pour le philosophe marxiste Jacques Rancière, la démocratie est un processus par lequel émerge de nouveaux sujets politiques. L'action politique citoyenne, consiste d'abord, selon lui, à mettre en acte une présupposition égalitaire : nous avons tous part au débat, nous avons tous voix au chapitre. Très vite, l'action politique citoyenne se transforme en « police », au sens grec du terme, c'est-à-dire en gestion de la communauté et elle redevient « politique » c'est-à-dire émancipation, chaque fois qu'un mouvement, qu'un débat, qu'une initiative vise à faire part aux sans-parts, à prendre en compte les laissés pour compte, à faire émerger un nouveau sujet politique.

 

En définitive, pour revenir à la pensée d' Hannah Arendt , si la citoyenneté signifie « le droit d'avoir des droits », il faut alors élargir sa définition à toute action visant à conquérir de nouveaux droits collectifs et individuels, à élargir la participation à la gestion de la cité et à étendre les libertés.

 

Qu'en est-il alors de la laïcité qui fixe le cadre du « vivre-ensemble » indépendamment de toute autre considération que l'individu lui-même. La laïcité définit le cadre dans lequel de nouveaux droits et de nouvelles libertés peuvent être conquises ou étendues (extension du droit de votes aux étrangers, droit de choisir sa mort, égalité hommes-femmes, etc...).

 

Toutes les théories, recherches ou expériences relatives à l'évolution de la démocratie citoyenne n'ont de sens qu’indépendamment de toutes revendications partisanes, communautaristes, religieuses ou ethniques. La mise en évidences des particularismes ne peuvent que distinguer, diviser et opposer les individus.

 

Étendre les droits et les libertés individuels et collectifs , bien entendu, mais dans le cadre strict d'une entité laïque qu'il s'agisse d'un État indépendant, d'une fédération d’États ou encore d'une confédération.

 

La laïcité reste le meilleur garant de l'extension véritable de la démocratie citoyenne, car elle définit le cadre du « vivre-ensemble » et constitue le dénominateur commun entre tous les individus.

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21 novembre 2012 3 21 /11 /novembre /2012 18:47

L’association pour le droit de mourir dans la dignité vous convie à la réunion publique suivie d’un débat :

Le samedi 8 décembre 2012 à 15 heures

Salle cinéma Roger Legrand

112, rue Victor Hugo

83480 Le Puget sur Argens

(stationnement à proximité)

 

Thèmes :

« Les lois et procédures de fin de vie

Actualité 2012 dans les pays suivants Suisse, Belgique et France »

 

Les intervenants :

Suisse       : Madame Demorsier (biologiste)*

Belgique  : Monsieur Albert Grégoire (Président du Cercle Condorcet VE)*

France      : Monsieur Christian Baloy (Délégué régional de l’ADMD)*

*voir CV détaillé des intervenants sur l’affiche en pièce jointe ainsi que le plan d'accès

 

Voir le Fichier : Affiche_ADMD_8_12_2012.pdf

 

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11 novembre 2012 7 11 /11 /novembre /2012 19:01
Serge Pastor  Un ami s’en est allé...

                 Nous ne voulons avoir en mémoire que son sourire malicieux et sa jovialité.

                  Je tiens à lui rendre hommage aujourd’hui sur ce blog qu’il m’a aidée à mettre en place.

              Serge était toujours prêt à mettre ses compétences au service du bien de tous avec patience et gentillesse.

              Le Président du Cercle Condorcet Var Est et tous les membres se joignent à moi pour adresser leurs sincères condoléances à sa compagne et à sa famille.

 

Véronique Dupont

Secrétaire du Cercle Condorcet Var-Est

 

 

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Conférences et réunions

Conférences 2010

  • Le 19/03/2010 - "L'identité nationale, représentations, histoire, enjeux" par Roger Lefers - Agrégé de l'Université, Président du Cercle Condorcet 06 
  • Le 25/06/2010 - "Société tibétaine, bouddhisme et Dalaï Lama"  par Gérard Vial 
  • Le 30/10/2010 - "Vous avez dit misère ou pauvreté ?" par José Gomez, Diplomé en Sciences de l'Education Sociales et Humaines, Chef d'Unité d'Enseignement à l'occasion de la Journée Mondiale de la Pauvreté
  • Le 17/12/2010 - "Femme, Sociétés, Laïcité" par Jean-Claude Daugeron à l'occasion de la Fête de la Laïcité -

 Conférences 2011

  • Le 11/03/2011 - "Civisme et citoyenneté" conférence table-ronde animée par Candice Schwaar
  • Le 17/06/2011 - "Ecole publique laïque : l'enjeu" conférence-débat par Mme Christine Sampéré élue de la municipalité de la Seyne-sur-Mer
  • Le 07/10/2011 - "L'islamisme ou la modernité mutilée" par Madame Chahla Chafiq, docteure en sociologie et essayiste. Lauréate Sciences Humaines et Sociales de la 13ème Edition "Le Monde de la recherche universitaire"
  • Le 09/12/2011 - "Autour de la Laïcité en six thèmes" à l'occasion de la Fête de la Laïcité, Echange/débat, présentation de Jean-Claude Daugeron et  interventions des membres du Cercle Condorcet Var-Est

Conférences 2012

  • Le 14/03/2012 - "Condorcet aujourd'hui" conférence par le professeur Charles Coutel, spécialiste de Condorcet
  • Le 13/06/2012 - "La mission de l’école de la République et les valeurs qu’elle défend sont-elles toujours d’actualité ? "  par José Gomez
  • Le 17/10/2012 - " Spinoza face à l'intolérance " par Alain Billecoq Agrégé de Philosophie
  • Le 12/12/2012 - "La Laïcité dans un pays à majorité de population musulmane : l'expérience turque" par  Metin Ancem

Conférences 2013

  • Le 22/03/1013 - " La Constituante : Pourquoi pas ?  " par André Bellon, parlementaire AHP  anime le journal ‘’République’’ - Président de la Commission des affaires étrangères
  • Le 14/0602013 - " Les tourmentes de l'adolescence" par José Gomez
  • Le 18/10/2013 " L'humanisme solaire de Camus " par Madame Colette Guedj, écrivain et professeur émérite à l'UNSA (Université de Nice Sophia Antipolis). 2013 étant l'année du centième anniversaire de la naissance d'Albert Camus
  • Le 13/12/2013 - Manifestation consacrée à la Laïcité

 

Réunions thématiques  (Premier lundi du mois à 19 heures)

Maison des associations

213, rue de la Soleillette

83700 Saint-Raphaël 

 

Réunions thématiques 2010 

  • Le 04/01/2010- "Il faut détruire Jérusalem..." par Albert Grégoire 
  • Le 01/02/2010 - "Divorce, phénomène de société" par Jean Cristina 
  • Le 01/03/2010 - "L'information du citoyen peut-elle être impartiale ?" par Michel Ruby
  • Le 05/04/2010 - Reportée 
  • Le 03/05/2010 - "Nanotechnologie, pour le meilleur et pour le pire" par Véronique Dupont
  • Le 06/09/2010 - "Pourquoi Condorcet  ?" par Raymond Abel
  • Le 04/10/2010 - Assemblée Générale
  • Le 06/12/2010 - "Y a-t-il déclin de l'Occident ?" par Gérard Gras  

Réunions thématiques 2011

  • Le 03/01/2011 - "Le vrai visage de la République" par Michel Thomas
  • Le 07/02/2011 - "Tous malades ?!?... abus de médicaments" par Albert Grégoire
  • Le 07/03/2010 - Pas de réunion en raison de la proximité avec la table-ronde
  • Le 04/04/2011 - "Déclaration universelle des droits de l'homme et droits fondamentaux" par Véronique Dupont
  • Le 02/05/2011 - "Energies renouvables" par Michel Ruby
  • Le 06/06/2011 - "Révolution fiscale ?!?" par Michel Thomas
  • Le 05/09/2011 - Pas de réunion, reprise d'activité avec la conférence du 7/10/2011
  • Le 03/10/2011 - Pas de réunion en raison de la proximité avec la conférence
  • Le 07/11/2011 - Assemblée Générale et "Sortir de la crise. Quelles solutions possibles ?" par Gérard Gras
  • Le 05/12/2011 - Pas de réunion en raison de la proximité avec la conférence interactive

 Réunions thématiques 2012  

  • Le 02/01/2012 - Réunion annulée 
  • Le 06/02/2012 "L'eau, enjeu international et en région PACA" par Michel Ruby
  • Le 05/03/2012 - Pas de réunion en raison de la proximité avec la conférence
  • Le 02/04/2012 - " Les paradis fiscaux en 7 vers illustres " par Raymond Abel d'après le livre de Nicholas Shaxon
  • Le 07/05/2012 - " La démocratie est-elle une illusion ? " par Michel Thomas
  • Le 01/10/2012 - " Ceux pour qui la fête continue !" par Raymond Abel
  • Le 05/11/2012  -  Assemblée générale
  • Le 03/12 /2012 - "Citoyenneté, Démocratie, Etat-nation" par Albert Grégoire

Réunions thématiques 2013    

  • Le 07/01/2013 "La sélection des "élites" en démocratie" par Michel Thomas
  • Le 04/02/2013 - " Qui jette un oeuf, jette un boeuf..." par Véronique Dupont
  • Le 04/03/2013 - " L'armée française en Afrique, ces 20 dernières années " par Maurice Accary
  • Le 06/05/2013 - " Agriculture et Littoral, un avenir à haut risque... ! "par Michel Ruby
  • Le 03/06/2013 - " Le petit "De Gaulle " illustré " par Michel Thomas
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